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Décès de ce cher Joe Beef

joebeefJoe Beef, vous connaissez ? Il fut beaucoup aimé par plusieurs Montréalais, souvent parmi les plus pauvres d’ailleurs, les itinérants, les «poqués», les sans-le-sou. Je n’ai pas manqué de vous parler abondamment de lui en décembre 2012, lorsqu’on songeait à convertir son auberge de la rue de la Commune en maison pour démunis.

Mais voilà que nous apprenons ici son décès. Et Le Canadien, à Québec, ne rate pas l’occasion de souligner l’événement le 17 janvier 1889.

Une dépêche reçue hier matin nous apprend la mort subite du fameux «Joe Beef» arrivée à Montréal mardi soir, d’une maladie de cœur.

Son véritable nom est Charles McKirnan. Le défunt avait fait partie de l’artillerie Impériale, et avait assisté à la guerre de Crimée. C’est là qu’il reçut le sobriquet de «Joe Beef».

Pendant cette guerre, il était fourrageur, et put trouver du bœuf, pendant que tous les autres, ayant essayé de s’en procurer, ne purent jamais en trouver; de là son nom. Il y a 25 ans, quand l’artillerie Royale vint au Canada, il l’accompagna, et a été sergent de cantine, pendant deux ans, à l’île Ste-Hélène. Il demanda ensuite sa décharge et ouvrit un restaurant portant le nom de Crown and Sceptre, sur la rue Claude.

Quelques années après, il établit sa cantine à l’endroit où il est aujourd’hui. La taverne de «Joe Beef» était connue par tout le continent, et tout excursionniste ou voyageur, passant  par Montréal, ne pouvait s’exempter d’aller y faire une visite. Joe Beef était un excentrique et il était difficile de rencontrer ailleurs une collection de curiosités comme celle qu’il possédait. Le défunt s’était marié deux fois.

* * *

Le 19 janvier 1889, le quotidien montréalais La Minerve raconte les funérailles de Joe, sous le titre «Funérailles de Joe Beef. Démonstration populaire».

Les funérailles de Charles McKiernan, mieux connu sous le nom de Joe Beef, ont été hier après-midi l’occasion d’une démonstration populaire des plus remarquables.

Si l’on excepte les obsèques de [Thomas D’arcy] McGee, jamais Montréal n’a vu une foule aussi considérable que celle qui s’est réunie devant la maison mortuaire du célèbre cantinier.

À deux heures moins le quart, la foule, massée sur la rue de la Commune entre les rues Callières et Port, et devant la Douane, pouvait être estimée à quatre ou cinq milles personnes.

Des centaines de spectateurs se tenaient sur la digue pour être témoins de ce spectacle extraordinaire. Cette foule était composée de chevaliers du travail, d’ouvriers et de manœuvres de toutes les classes. Tous les déshérités de la fortune, à qui l’hôtelier philanthropique avait si souvent tendu une main secourable, s’étaient empressés de rendre un dernier tribut à sa mémoire.

Le corps de Joe Beef reposait dans un superbe cercueil de noyer noir, dont l’intérieur était capitonné avec la soie blanche la plus riche.

Sur le couvercle, était une tablette d’argent portant le nom du défunt, son âge et la date de sa mort.

À deux heures, le révérend M. Lindsay, ministre de l’Église anglicane, récita les prières d’usage et la bière fit portée dans un riche corbillard orné de plumets noirs, au pied desquels s’entrelaçaient des drapeaux funèbres. Ce corbillard, qui était fourni par M. Jos. Wray, fut traîné par quatre chevaux caparaçonnés de housses aux sombres couleurs.

À deux heures et trente-cinq, le cortège se mit en marche et suivit les rues de la Commune, McGill, le Beaver Hall, Sherbrooke et l’avenue du Parc.

Le deuil était conduit par les six fils du défunt, dont l’aîné est âgé de 23 ans et le plus jeune de sept ans.

Sur toutes les rues parcourues par la procession, des centaines de badauds encombraient les trottoirs pour être témoins de la démonstration funèbre.

L’inhumation a eu lieu dans le cimetière Mont Royal.

* * *

Fait étonnant rapporté par Le Canadien du 21 janvier 1889.

Les suites d’une veillée auprès d’un mort. Annie Moran, âgée d’environ 35 ans comparaissait devant le Recorder de Montréal hier matin, sous la prétention d’avoir été trouvée ivre sur la rue des Commissaires. En réponse aux questions du juge DeMontigny, elle lui raconta qu’ayant été demandée à passer la nuit pour prier auprès du corps de Joe Beef, elle avait eu le malheur de prendre un verre de trop, histoire de se tenir éveillée. Le recorder lui a fait remarquer qu’il n’était pas prudent de la relâcher avant que Joe Beef soit enterré, et, par conséquent, il l’a condamnée à deux jours de détention, en attendant que le corps fut mis en terre. Annie a protesté de sa bonne foi et prétend avoir pris quelques verres dans le but de prier avec plus de ferveur. La Cour, cependant, a maintenu sa décision.

Le portrait ci-haut de Joe Beef, du Musée McCord, provient de la page Wikipédia qui lui est consacrée.

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