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La femme de ménage

Juliette Adam, écrivaine française, polémiste, républicaine, qui tient salon à Paris, est l’auteur de ce texte, que nous offre La Tribune de Saint-Hyacinthe le 2 décembre 1892. Une véritable occasion de vérifier que le vocabulaire québécois ne recouvre pas toujours la même signification que le vocabulaire français, car une femme de ménage, au Québec, fut, de tout temps, une domestique, une assistante à la femme qui tient maison.

L’intérieur pour la femme est un royaume, si petit ou si grand, si modeste ou si luxueux qu’il soit. Elle y règne et, mieux que cela, elle y gouverne.

Les devoirs féminins d’économie, de soins, de travail, d’élégance sont de toutes les classes. Quelle différence dans les ressources et dans la condition d’une ouvrière, d’un paysanne, amoureuses de leur intérieur, y consacrant le peu d’heures dont elles disposent avec intelligence, avec ordre, ayant l’attrait du ménage propre et bien tenu, attirant, gardant, retenant l’homme auprès des enfants, le rendant fier de son home vis-à-vis de ses semblables moins partagés que lui ?

Pour une femme d’intérieur, tout devient utile ou plutôt utilisable. Chez le peuple, l’aisance s’accroît; chez la bourgeoise qui a le goût de sa maison, la fortune s’augmente. La famille qui compte des femmes d’intérieur prend plaisir aux réunions et le bonheur naît, se continue et se conserve dans des milieux qui bénéficient de toutes les joies qu’apportent les deux grandes vertus de la société et de l’individu : l’utilisation des ressources et la stabilité des goûts.

Associée de l’époux, réalisant l’idéal de l’union conjugale, la femme de plus doit prendre sa part du labeur commun, des responsabilités du compagnon de sa vie. Ses facultés ne sont point identiques à celles de l’homme, mais elles sont égales parce qu’elles sont complémentaires et réalisent le beau mot social d’équivalence.

Qu’elle embellisse le nid des enfants, la demeure de l’époux; alors lui-même, à son tour, songera à consulter sur ses affaires celle qui sait ordonner et administrer.

La joie que donne un  intérieur soigné, ayant toutes choses classées, retrouvables et utilisées, que ces choses soient en petit ou en grand nombre, est plus complète qu’on ne croit pour tous les hommes, fussent-ils désordonnés eux-mêmes. Il y a là une œuvre qui n’a rien d’inférieur, comme beaucoup de femmes se l’imaginent, et l’une de mes fiertés a toujours été d’être ce qu’on appelle en France «une femme de ménage».

 

Ce texte est aussi paru dans le Franco-Canadien (Saint-Jean-d’Iberville), 29 décembre 1892.

L’illustration parut d’abord dans Le Monde illustré du 8 février 1896. On la retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Femmes».

Un commentaire Publier un commentaire
  1. Esther Bourgault #

    On utilisait plutôt ici l’expression « femme de maison dépareillée »… :)

    3 janvier 2014

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