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À quand de nouveaux jouets… politiques ?

Bien oui, le temps s’y prêtant après le passage du Père Noël, pourquoi pas une réflexion sur les jouets ? Mais attention ! Signée Diego et politique, elle remonte à 1898 et vient du journal français La Croix. Le bi-hebdomadaire de Trois-Rivières, Le Trifluvien, en fait sa une le 30 décembre 1898.

Les jouets d’enfants ont été notablement perfectionnés depuis un demi-siècle, et ce n’est pas quelquefois sans un regard d’envie que les grand’mères d’à présent considèrent les jeux de leurs petites-filles. Elles se disent : «Ah ! si ces jouets avaient existé de notre temps !» et, au lieu de louer systématiquement le passé, les bonnes douairières se prennent, en dépit du proverbe, à trouver certains charmes au temps présent.

Ce que nous supposons des petites-filles et des grand’mères, nous pouvons le supposer aussi des grands-pères et des petits-fils. Les jouets de garçons ont progressé comme les amusements des fillettes. Les soldats de plomb ne se sont pas laissé battre par les poupées. Or, faut-il avouer une faiblesse ? Parmi les jeux masculins, ce sont les soldats de plomb qui nous ont toujours le plus séduit.

Nous avions 17 ans bien sonnés, il nous en souvient, la dernière fois que nous y jouâmes, et nous avions acquis à ce sport éminemment distingué de telles aptitudes stratégiques, une telle fertilité d’imagination dans la combinaison des manœuvres possibles sur un champ de bataille, que bien sûr nos braves hidalgos de voisins n’auraient pas été battus par les Yankees si seulement Sa Majesté leur reine régente avait bien voulu nous confier le commandement en chef de ses armées. […]

L’enfant aime à varier ses divertissements comme l’homme aime à varier ses ministères et la femme à varier ses chapeaux. Aussi venons-nous, à propos des étrennes du jour de l’an, risquer ici une idée que nous aurions pu traduire en brevet s’il nous avait été départi seulement pour quatre sous de capacités industrielles, mais que, pour cause d’insuffisance personnelle dûment constatée, nous nous contentons de confier gratuitement à quiconque se sentira le talent de la mettre en valeur.

Voici. Au lieu de faire toujours des soldats de plomb, pourquoi ne ferait-on pas des députés de plomb ? Pourquoi, au lieu de ces sempiternels cavaliers exécutant des charges archaïques (les charges, dit-on, ont fait leur temps), n’aurions-nous pas des législateurs furieux, ébouriffés, se précipitant le poing haut contre un collègue ?

Pourquoi, au lieu des «forts» traditionnels, qui risquent de se trouver légèrement en retard sur les derniers progrès de l’art des fortifications, ne mettrait-on pas en vente d’élégants hémicycles avec bancs ordinaires, bancs de ministres, tribune présidentielle, tribunes oratoires, tribunes de spectateurs ? Il y aurait les orateurs, les interrupteurs, les rapporteurs, les tapageurs, les dormeurs, les boxeurs, chacun avec leur geste caractéristique. […] Cela ferait une collection de pièces métalliques aussi diverses que les animaux d’une arche de Noé. […]

Les mécaniciens actuels ne sont-ils pas à même de construire un jouet mécanique sur l’indignation précédente, étant donnée surtout l’étroite parenté de la politique avec le journalisme, et du journaliste avec les canards [en France, on appelle aussi canard une fausse nouvelle lancée dans la presse pour abuser le public].

Un automate de cette espèce aurait l’avantage de familiariser nos fils, dès l’enfance, avec le fonctionnement de nos Corps constitués et avec la façon grave et consciencieuse dont se traitent les questions vitales, les intérêts majeurs du pays. L’école des Sciences politiques crierait peut-être à la concurrence; mais il n’y aura jamais trop de moyens d’apprendre de bonne heure à la jeunesse la science épineuse de la vie.

 

L’illustration est la photographie de la jaquette couverture d’un des très rares livres québécois sur l’histoire du jouet, un ouvrage de l’ethnologue Robert-Lionel Séguin, Les jouets anciens du Québec, publié aux Éditions Leméac en 1969.

 

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