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Le train poussif de Joliette

Si vous planifiez de prendre le train pour Joliette à partir de Montréal, une distance de 70km, allez-y l’automne. N’attendez pas l’hiver. Voilà le conseil d’un ancien Joliettain. L’Étoile du Nord du 13 octobre 1887 raconte.

Un ancien résident, aujourd’hui citoyen de Montréal, est venu tout dernièrement à Joliette pour le règlement de plusieurs affaires, et, dans une conversation avec l’un de ses amis à propos du but de son voyage, a fait l’observation suivante : «L’hiver approchant et connaissant quelles sont les difficultés des communications par la voie du chemin de fer du Pacifique, entre les deux points, à pareille saison, j’ai cru prudent de m’empresser de venir à Joliette, afin de ne pas être exposé à devoir y revenir en hiver».

Son interlocuteur lui ayant demandé ses raisons bien qu’il dusse les deviner un peu, il répondit : «Les mêmes que celles qui sont connues de tout le monde» et il en fit l’exposé à peu près en ces termes :

«À peine janvier est-il à moitié de son cours que le train de Joliette, par des irrégularités de sa circulation, en fait de question de service, est réellement devenu impossible.

«Il donne quotidiennement l’occasion de remettre en mémoire à ceux qui l’auraient oublié cet axiome dont la justesse se base sur l’expérience de tous les siècles, et qui dit : à toutes règles générales, il y a des exceptions.

«En effet, n’a-t-on pas dit après l’intervention de la vapeur adaptée au système actuel et populaire de locomotion choisi pour les voyages de quelqu’importance au point de vue de la distance : la vapeur a supprimé la distance.

«Cependant le train de Joliette, malgré que la vapeur en est comme partout ailleurs la force motrice, pendant la période de près de quatre mois à partir de janvier, que fait-il ?

«Il marche comme ces invalides auxquels un boulet au sein de la bataille, un accident quelconque, ont enlevé une jambe; il va, haletant, de ci de là, par étapes, avec la lenteur d’un enfant monté sur des échasses — il allonge indéfiniment le chemin par le temps qu’il met à le faire.

«Bien souvent il donne à ceux qu’ils transportent le plaisir ineffable, la jouissance indéfinissable de coucher et recoucher en route, lorsque la tempête gronde, que le vent souffle à briser les chaînes, par un froid sibérien à faire racornir les semelles de bottes.

«Bien souvent, pour ne pas dire toujours, parmi les infortunés qui sont là, emprisonnés dans un train  enseveli sous la neige, il y en a plusieurs qui devaient être rendus à leur domicile ou à tel autre endroit à heure fixe pour des raisons d’importance majeure.

«Dans ces conditions, est-il facile de prendre de gaîté de cœur, sans appréhension, le train de Joliette pour Montréal ?»

Telle est l’opinion publique à l’égard du service du train de Joliette, en hiver. Elle pourrait peut-être changer si la Compagnie du Pacifique voulait s’en donner un peu la peine.

* * *

Déjà, la semaine précédente, le journal même s’était moqué du train de Joliette.

Si parfois, lecteurs, il vous arrivait d’aller quelque part par chemin de fer, nous vous conseillons de prendre le train de Joliette.

Il va tellement vite que nous avons beaucoup de difficulté à nous y tenir debout.

Aussi son arrêt aux stations est de très courte durée.

Demandez-en des nouvelles aux personnes qui voyagent souvent.

Qu’il nous suffise de dire que le trajet entre Montréal et Joliette se fait en 3 ½ heures.

La distance entre ces deux points est à peu près de 54 milles.

Si quelquefois vous entendez dire que les gens voyagent trop souvent en chemin de fer et qu’ils y dépensent beaucoup trop d’argent, qu’ils prennent le train de Joliette et ils seront bientôt guéris de la maladie des voyages par ce mode de locomotion.

Certes, le conducteur, le serre-frein, le baggage-man et les autres employés craignent beaucoup le danger, mais heureusement qu’ils ont eu la prudence de faire assurer leur vie.

 

La photographie de ce train prise en juin 1914 provient de Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Collection initiale, Photographies, cote P600, S6, D5, P1275.

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