Skip to content

«Chronique de campagne»

Le 20 août 1887, succédant à Reine, Marguerita, Angélina, Ninette et Hermance, voilà qu’une nouvelle chroniqueuse, Lisa, se lance dans Le Monde illustré.

Aimables lecteurs, bienveillantes lectrices.

Salut à tous d’une copain fidèle, d’un chroniqueuse d’un nouveau ton ! Mon titre vous dit ma position, et je voudrais bien que ce fut aussi la vôtre : il fait si bon être à la campagne, par la température qui règne à présent dans nos climats. Je le redirais sur mille tons, si je ne craignais de fatiguer déjà mon monde.

D’ailleurs, je ne veux pour preuve de mon assertion que le nombre considérable de touristes citadins que les bateaux débarquent, chaque jour, sur nos rives agrestes, que la vapeur vient déposer au milieu de nos champs en floraison.

Ces pauvres déshérités de la famille humaine — en voyant un citadin en vacances, on se croit presque permis de le nommer ainsi — avec quelle satisfaction ne respirent-ils pas, n’aspirent-ils pas, en arrivant, le grand air de la campagne qui vient inonder leur figure, enivrer tous leurs sens ? Leur teint hâve, leur face décolorée de citoyen s’embellit et renaît sous l’action bienfaisante des senteurs douces et virginales de la campagne.

Comme le disait si bien M. Léon Ledieu, dans un de ses derniers Entre Nous, il y a beaucoup à dire et plus encore à souffrir des «odeurs de Montréal» — imitation de Louis Veuillot — en sens inverse, je répète, à mon tour, qu’il y a beaucoup à dire et plus encore à bénéficier des parfums des champs, des douceurs de la campagne.

Il faut voir un peu ce qu’en pensent les bons Montréalais, parents et amis, que nous recevons à bras ouverts, et qui viennent se délasser, au sein de leurs familles rurales, des longs mois d’une séquestration métropolitaine. Il faut leur demander, dis-je, avec quel contentement ils échangent leurs joies vieillies de la ville pour nos humbles plaisirs champêtres, simples, mais toujours nouveaux; le plaisir qu’ils prennent dans une belle partie de pique-nique, dans une expédition de pêche non moins intéressante, dans une course souvent sans but à travers champs, à travers bois, dans un sommeil réparateur pris à l’abri d’un feuillage discret, de ces berceaux naturels que plus d’une lectrice, dirais-je même, d’un lecteur, connaît et aime autant que moi; dans un tour sur l’eau, le soir, lorsque la vague berce mollement notre léger canot et qu’une suave brise, comme un souffle embaumé des rivages déserts, nous prodigue ses doucereuses caresses.

Oui, nos visiteurs les affectionnent, ces doux plaisirs, et tant d’autres encore que l’on peut goûter tous, mais qu’on ne peut pas tous énumérer.

 

L’illustration «Au milieu des fleurs : Rivière-du-Loup non loin de sources de Saint-Léon» est fait la page couverture de l’hebdomadaire Le Monde illustré du samedi 16 août 1884. On la retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec au descripteur «Vacances».

No comments yet

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS