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Où vont les foules ?

Ça semble banal, c’est certain, mais vous êtes-vous déjà posé la question ? Oui, je sais, aujourd’hui, au plus grand centre commercial de la région. Mais après ? Le 12 août 1905, l’hebdomadaire L’Album universel se le demande.

Voici une question que se pose souvent celui qui, méconnaissant le charme infini des campagnes fleuries et des sports de saison, borne son horizon dans les limites de son quartier silencieux et morne. Où vont les foules ?

Les foules vont où les plaisirs et les devoirs les appellent. Il suffit de répondre parfaitement à cette question, de prendre l’horaire des trains dans nos principales gares et de faire une tournée, les samedis, l’après-midi, pour constater qu’un contingent fort respectable de nos citadins s’évadent littéralement dans les nombreuses villégiatures qui entourent l’île de Montréal.

Il suffit aussi d’aller aux différentes églises de la métropole, à la sortie des différentes messes, pour voir que Montréal n’est pas, malgré l’exode étonnant du samedi, complètement dépourvu d’habitants.

Et si cela ne suffisait pas pour convaincre le plus sceptique, il n’y aurait qu’à le mener dans les endroits où le sport et les jeux nationaux se déroulent.

Là, en face de lui, dans un vaste hémicycle, il verrait des masses compactes et grouillantes — dix mille personnes groupées — suivant avec un intérêt passionné, un enthousiasme bruyant, les péripéties d’une partie de la crosse ou de base-ball, sur lesquelles l’honneur et les paris sont engagés depuis longtemps.

Notre photographe s’est payé une de ces tournées, et il nous en a rapporté les beaux clichés qui ornent cette page, vivants témoins des beaux spectacles qu’il a vu se dérouler devant son objectif, preuve évidente qu’à Montréal c’est encore tout autre chose que les citoyens font les samedis et les dimanches.

Nous donnons ici quelques-unes de vues qu’il a rapportées. Une d’elles nous montre la foule, le jour des dames, au champ de base-ball de la partie Ouest. Il va de soi que l’élément féminin, bien que fortement représenté ces jours-là, ne forme pas la totalité des spectateurs. À quoi servirait à ces dames d’aller dans un lieu sportif d’où le sexe laid aurait été exclu ? À qui pourraient-elles alors décocher leurs gracieux sourires, pour qui afficheraient-elles des toilettes du dernier goût ? À quoi bon leur serviraient leurs immenses chapeaux multicolores, sinon à faire rager les spectateurs qui, placés en arrière, ne peuvent les regarder en face.

Aux courses de chevaux, un élément tout différent se trouve. Là, les «bookmakers» s’adressent à un public moins soucieux des mondanités et des grâces; cependant, il n’est pas surprenant d’y rencontrer quelques parieuses hardies, qui tiennent beaucoup plus aux beaux dollars que leur rapportera le cheval qui gagne, qu’aux éphémères œillades d’une foule qui ne leur dit rien.

Aux gares, l’aspect semble plus paisible, plus confortable. On quitte là soucis et tracas d’affaires pour songer aux heures de plaisir ou de repos qui se préparent.

Et bientôt des trains complets d’excursionnistes s’ébranleront, emportant loin des bruits de la ville tout un peuple qui croit pouvoir trouver dans l’instabilité du mouvement mondain le calme et la paix véritables d’un foyer providentiel.

Ils reviennent hélas tous ces voyageurs insatiables ayant couru longtemps après un chimérique repos.

Nous ne voulons point dire par là que le séjour à la campagne doit être banni du programme d’un budget de famille bien équilibré. Mais il faut savoir user de ce séjour champêtre avec bon sens. Il n’y a rien de plus hygiénique que d’aller passer quinze jours, un mois et même tout l’été dans une station balnéaire ou dans un villégiature paisible.

Les papas et les mamans savent cela aussi bien que nous et c’est ce qui nous encourage à leur dire. Faites votre budget de dépenses de l’année en y insérant une part très large pour les séjours à la campagne, mais bannissez de votre itinéraire les excursions fatigantes, les départs précipités, bref tout ce qui vous changerait trop radicalement de vos habitudes régulières et normales.

 

On trouvera les images, attachées à cet article, sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Spectacles et divertissements».

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