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François Villon (première de trois parties)

Et enfin vint Villon. Un grand moment dans la littérature française.

Et puis, en juin 1903, un certain J.-N. Blanchet, qui ajoute après sa signature : «Université Harvard, Cambridge, Mass.», propose à l’hebdomadaire montréalais L’Album universel un très long texte sur ce poète français. À qui que ce soit j’aurais parié le peu de mon avoir que jamais je n’arriverais à trouver un texte sur cet homme important dans la presse québécoise de 1900. Le texte est publié le 27 juin 1903. Quelle belle surprise !

Voici le document en trois parties, au complet. Une première partie maintenant, une seconde demain, et la troisième dans 48 heures.

Blanchet intitule son texte François Villon, Sa vie et ses œuvres. Nous remontons loin, au 15esiècle. Cent ans avant la venue de Jacques Cartier  et François de Roberval envoyés par le roi François 1er à Cap-Rouge.

François Villon, le plus grand des poètes français du quinzième siècle, naquit à Paris, probablement en l’année 1431. «Probablement en 1431», car, ayant commencé le «Grand Testament» peu après sa sortie de la prison de Meung, en 1461, il nous dit au début de ce chef-d’œuvre :

«En l’an de mon trentième âge»,

ce qui nous amène pour l’année de sa naissance vers 1431.

 On ne sait rien de certain sur les auteurs de ses jours, sinon qu’ils étaient d’une condition fort humble, et on ignore même le nom patronymique de son père, ne sachant pas au juste s’il se nommait «de Montcorlier» ou «des Loges».

Mais ce qui est presque certain, c’est qu’il perdit son père de fort bonne heure; quant à sa mère, on pense qu’elle vivait encore en 1461, car  [Clément] Marot nous dit que ce serait à la requête de «cette pauvre et simple femme, pour laquelle Villon montre une vive tendresse», qu’il aurait composé la «Ballade à la Vierge».

Quoiqu’il perdît son père dès son bas âge, le jeune de Montcorlier ne fut pas sans recevoir une solide instruction et une bonne éducation, car il sut s’attirer la protection d’un chapelain de l’église collégiale de Saint-Benoit-le-Bétourné, ecclésiastique qui avait quitté son nom patronymique et avait emprunté le nom du lieu de sa naissance, Villon, paroisse du diocèse de Saugres, et se nommait Guillaume de Villon. C’est à cette adoption que François de Montcorlier doit son nom.

Sous le patronage de cet ecclésiastique, François fréquenta les cours de la Faculté des Arts, obtint le grade de bachelier ès arts en 1449, et, en 1452, fut reçu licencié et admis à la maîtrise, n’ayant guère plus de vingt et un ans. C’est à cette époque de la vie de François Villon qu’eurent lieu, au quartier des écoles, les troubles qui produisirent un grand émoi et jetèrent les Parisiens dans la plus grande des consternations. Ces troubles augmentèrent de jour en jour, les leçons et les prédications furent suspendues par toute la ville de Paris pendant de longs mois; la justice laïque — car alors les justices laïque et ecclésiastique étaient entièrement séparées l’une de l’autre — montra une certaine rigueur, plusieurs écoliers furent emprisonnés, des rixes eurent lieu entre les étudiants et les gens de la prévôté, dans lesquelles plusieurs écoliers furent blessés et quelques-uns tués.

Comme on le voit, Villon connut dans sa jeunesse ces plaisirs un peu bruyants, qui ont tant de charme pour les jeunes gens; aussi est-il probable qu’il a joué un certain rôle dans ces troubles; du moins, il nous est permis de le croire d’après certaines lignes écrites par lui-même dans le «Grand Testament», et d’après les «Repues Franches», dans lesquelles il nous dit si clairement et si finement comment il s’y prenait afin de dérober un morceau de viande ou une bouteille de vin. Ainsi s’expliquent les allusions à sa folle jeunesse :

Hé Die, se j’eusse estudié
Au temps de ma jeunesse folle,
Et à bonnes meurs dedié,
J’eusse maison et couche molle !
Mais quoy? Je fuyoie l’escolle,
Comme fait le mauvais enfant…

Qu’il y ait pris part ou non, toujours est-il certain qu’il connaissait ces événements à fond, car il parle d’un roman — que nous n’avons pas, malheureusement —  le «Rommant du Pet au Deable», cette infortunée pierre qui fut toute la cause des émois causés  par les écoliers, et dans ses différents legs nous rencontrions assez souvent des allusions aux enseignes arrachées ci et là et changées de place.

Comme nous l’avons dit, Villon était pauvre et ne pouvait espérer vivre sans rien faire. Aussi se mit-il à enseigner; et il eut quelques élèves, pour l’éducation desquels il recevait une assez piteuse rétribution. Ce genre de vie dura jusqu’en 1455, alors qu’un soir du mois de juin il eut une querelle avec un ecclésiastique dans le cours de laquelle il frappa son adversaire à l’aide d’un coup de dague, ensuite le terrassa avec une pierre. Deux jours plus tard, le prêtre rendait le dernier soupir, et Villon se vit arrêté et accusé de meurtre.

Jugé sommairement, il fut condamné à mort, mais ne subit pas cette peine, ayant eu sa sentence commuée en celle du bannissement, grâce surtout à une ballade composée en prison, la fameuse «Ballade des Pendus». Trois jours après cette nouvelle sentence, il quittait Paris et prenait la route de l’exil. Comment il passa ce temps de bannissement, on ne sait pas au juste, mais il est fort probable qu’il fit comme tous les autres malheureux exilés qui se laissaient entraîner au mal pour ne pas mourir de faim; et qu’il était en relation avec les bandits, pour lesquels il composa un certain nombre de ballades écrites dans le «jargon» des voleurs de profession, cette redoutable association des Coquillarts, bande criminelle dont les ballades jargonnesques de Villon nous laissent une vive impression.

Pendant tout ce temps, ses amis de Paris ne l’avaient point oublié, et deux suppliques à la chancellerie royale eurent pour résultat la grâce plénière de Villon. Huit mois après sa condamnation à mort, il rentrait à Paris, réhabilité aux yeux de la justice et des hommes, mais plus dépourvu de sentiments loyaux et nobles qu’auparavant, plus dégradé que jamais.

 

L’image pourrait représenter François Villon dans la plus ancienne édition de ses œuvres, celle de Pierre Levet en 1489.

Voir le site suivant se rapportant aux œuvres de Villon.

La suite de ce texte : demain bien sûr.

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