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La mort de la variole

Une des grandes luttes que nous avons menées sur Terre dans l’histoire de la santé est celle contre la variole. Partout, on tombait comme des mouches. Ici, au Québec, apportée d’Europe dès le Régime français, elle frappa durement les populations. On n’arriverait pas à compter le nombre de malades et de morts qu’elle fit, y compris chez les Autochtones. Il a fallu un bien long combat pour l’éradiquer. Finalement, à l’automne 1977, on peut crier victoire. Pour la première fois, l’humanité vient de faire disparaître une maladie à l’échelle de la Planète, la petite vérole.

Voici cette pièce à joindre au dossier de l’histoire de cette maladie. Le Québec d’alors n’en a pas encore fini avec ce mal, qui frappe cruellement. L’Écho des Bois-Francs du 29 mars 1902 juge nécessaire de consacrer sa une à cet article — Vaccination et revaccination.

En médecine comme en loi, ce sont les faits qui tranchent les questions. La plus belle théorie ne vaut rien si elle n’est confirmée par l’observation. Voilà pourquoi les statistiques ont bien leur éloquence, puisque les chiffres ne sont que la traduction des faits. Aussi nous avons cru intéresser nos lecteurs en leur rapportant quelques chiffres concernant la variole, la vaccination et la revaccination.

Chacun sait que la vaccination fit ses débuts en Angleterre vers 1789. L’Angleterre était, avant cette époque, fort éprouvée par la variole, laquelle comptait pour 0.1 dans la mortalité totale et faisait périr 100 habitants sur 1,000; cette mortalité doublait en temps d’épidémie. Lady Montagu avait bien rapporté de Constantinople la pratique de la «variolisation», pratique énergique qui fut acceptée par un grand nombre de gens désireux d’échapper à la variole, mais la variolisation donnait encore une mortalité de 2 à 3 p. c. et ne fit que répandre la variole sous une forme plus bénigne.

La vaccination, découverte par Jenner en 1798, devait changer cet état de choses. Si l’on consulte en effet les statistiques du XIXe siècle, on constate que de 1838 à 1854, époque de vaccination gratuite, la mortalité par la variole tombe à 0,42 par 1,000. De 1854 à 1898, la vaccination devenue obligatoire pour les enfants au-dessus de trois mois et généralisée par la nomination de vaccinateurs publics, la mortalité s’abaisse encore à 0,2 par 1,000. Nous voici loin des 100 pour 1,000 du siècle précédent.

L’Allemagne nous offre, comme l’Angleterre, un exemple convaincant des bons effets de la vaccination. La mortalité par la variole, qui était avant 1875, époque où la vaccination devint obligatoire, de 33,84 par 100,000 habitants, est tombée, depuis 1875, à 2,23 par 100,000; dans l’armée, où la vaccination est obligatoire, la mortalité est nulle. La variole a disparu presque complètement de l’Allemagne, qui a une population de 50,000,000. En 1881, on enregistre 40 morts dans tout l’empire, alors qu’on en compte 2,240 en France, 2,400 en Autriche, 3,880 en Italie.

En Suède, la mortalité, par la variole, avant la vaccination était de 165,82 par 100,000 habitants. Cette mortalité s’abaisse, avec la vaccination facultative, à 55,00 par 100,000. Depuis que l’on a rendu dans ce pays la vaccination obligatoire, laissant seulement la revaccination facultative, la mortalité est descendue à 18,20.

À Trieste, avant l’époque de la vaccination, de 1777 à 1806, la ville perdait par la variole, chaque année, 14,036 individus sur 1,000,000 d’habitants. Depuis la vaccination, de 1810 à 1850, elle a perdu 182 sur 1,000,000.

Il ne faut pas s’illusionner sur ce point : la variole a toujours exercé, en Europe, de sérieux ravages, et la vaccination obligatoire est le seul moyen d’enrayer la maladie d’une manière efficace. De 1860 à 1870, les statistiques de la France donnent une moyenne annuelle de 25,000 varioleux, déterminant 3,000 décès et 2,000 défigurés (dont beaucoup d’aveugles). Mais la vaccination n’est que facultative dans ce pays, et la revaccination n’existe pas encore pour l’armée. En 1870-71, le nombre de décès par variole fut de 100,000 dont 10,000 pour la ville de Paris.

Il est bon de ne pas oublier que la vaccination seule ne donne qu’une protection temporaire chez les enfants surtout et qu’on ne peut être complètement à l’abri de toute contagion qu’après s’être fait revaccciner. On estime que le meilleur temps pour la revaccination est l’époque de la puberté, vers la quinzième année; la vaccination pratiquée à cette époque donnerait une immunité plus longue qu’à tout autre temps.

En Allemagne, la vaccination des enfants est obligatoire dans le deuxième année; et la revaccination, obligatoire aussi, est pratiquée quand l’enfant finit son temps d’école (obligatoire de même). Tout Allemand est revacciné une seconde fois quand il entre à l’armée. C’est de cette manière qu’on est parvenu à faire disparaître la variole d’une manière presque complète dans le pays.

Ces chiffres démontrent suffisamment l’efficacité de la vaccination. D’ailleurs, les statistiques anglaises ont établi que, chez les enfants non vaccinés, la contagion est vingt fois plus fréquente que chez les vaccinés d’ancienne date; elles ont prouvé aussi que, à tout âge, chez les non vaccinés, la variole est sévère dans 80 p. c. des cas.

La conclusion s’impose : jamais nous ne ferons disparaître la variole sans la vaccination et la revaccination.

 

La plus grande épidémie de variole au Québec est celle de 1885, qui amènera par la suite le gouvernement du Québec à prendre en main la santé publique.

L‘illustration, La Dame anémique, est du peintre hollandais Samuel van Hoogstraten (1627-1678). Ce tableau se trouve au Musée national d’Amsterdam.

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