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Poème sur les oiseaux

Quoi vous dire ? Les oiseaux m’accompagnent, sont une partie importante de ma vie depuis mon enfance première, et un pareil texte m’émeut. Il paraît en page 5 du journal La Patrie du samedi 13 mars 1897.

 

 

 

Jean Sévère vient de publier Poésies humaines, un recueil rempli d’adorables choses et plein de souffle.

L’auteur est un ami sincère des Canadiens-français et connu de la plupart de nos compatriotes qui sont allés étudier à Paris.

Poète convaincu, il a su faire mélodieusement chanter son luth et on lira avec plaisir le poème suivant que nous détachons de son ouvrage :

 

Pour les petits oiseaux

Sur la terre blanche de neige,
Auprès du bois silencieux,
Des enfants disposent un piège
Avec un art malicieux.

C’est fait ! au milieu de la place,
L’instrument enseveli;
Le pain seul reste à la surface
Et le chef-d’œuvre est accompli !

La troupe joyeuse et contente
Se disperse dans les buissons;
L’inquiétude de l’attente
Fait taire toutes les chansons.

Plus rien. Aucun bruit dans l’espace;
Tout mouvement semble banni;
Le léger aquilon qui passe
Touche à peine le sol uni !

Maintenant, sors de ta retraite,
Pauvre petit chardonneret;
La mort cruelle est toute prête
À quelques pas de la forêt.

Si l’affreuse faim te torture,
Quitte un peu ton saule pleureur;
Il est ici quelque pâture
Pleine de souffrance et d’horreur !

Hors du nid l’imprudent sautille;
La femelle et les deux petits
Suivent le chef de famille,
Ensemble les voilà partis.

Avec espoir chacun s’élance
Vers la plaine où fut la moisson;
Leurs cris seuls troublent le silence
De la morne et triste saison.

Mais, hélas ! sous son blanc suaire,
L’hiver est dur aux oisillons;
Plus de mouches dans l’atmosphère,
Plus de graines dans les sillons.

Le mâle interroge la nue;
Son œil rond scrute chaque coin
De l’immense campagne nue
Que la neige recouvre au loin.

Soudain, ô trouvaille suprême,
Dans l’épais brouillard du matin,
Il aperçoit, sous le ciel blême,
Les apprêts d’un joyeux festin !

Vite, il invite ceux qu’il aime
À quelque repas plantureux;
Il prend son essor et lui-même
Vient y prendre part tout heureux.

Mais, en cet endroit solitaire,
Un cri de douleur retentit,
Le piège a soulevé la terre,
Il est pris le pauvre petit !

Les enfants courent pêle-mêle
Pour s’emparer de l’innocent…
Les ressorts ont brisé son aile
Et son bec est rouge de sang !

Les bourreaux, devant leur victime,
Se content ce qui s’est passé;
Aucun d’eux ne songe à son crime
Devant ce petit corps glacé.

C’est un exploit dont on se vante !
Aucun d’eux, dans l’immensité,
N’a compris le cri d’épouvante
Qu’à Dieu la femelle a jeté !

Voyez la compagne fidèle !
Du regard, elle suit longtemps
Celui qu’on entraîne loin d’elle,
Son beau compagnon du printemps !

Les bois sont pleins de ses alarmes,
De ses appels plaintifs et doux;
— Hélas ! les oiseaux ont leurs larmes,
Car ils ont un nid comme nous ! —

Et quand, dans leur gloire éphémère,
Les gais meurtriers sont partis,
Étouffant sa douleur amère,
Elle parle à ses deux petits.

«Pleurons, dit-elle, votre père,
Les cieux n’entendront plus son chant;
Pour nous, il n’est rien que j’espère
Car l’homme est cruel et méchant !

« Pleurons en ce jour de misère,
Pleurons sur notre triste sort;
La pitié n’est plus sur la terre
Où l’homme a le droit du plus fort ! »

Et la nuit, dans les airs funèbres,
Près du vieux nid abandonné,
Elle songe au fond des ténèbres
À son amant infortuné !

— O vous dont l’âme est attendrie,
Quand la nature a pris le deuil,
Pour les oiseaux de la prairie,
Jetez du pain sur votre seuil !

Laissez vivre ces pauvres êtres
Qui frissonnent sous les vents froids;
Semez du mil sur vos fenêtres
Pour les petits oiseaux des bois.

 

Jean Sévère

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Denis Jobin #

    À cette publication, la veille de la journée mondiale de la poésie, je te dis :  » Merci Jean! »

    22 mars 2013
  2. Jean Provencher #

    Merci, merci à toi, cher Denis.

    22 mars 2013

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