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Début d’une réflexion sur l’hérédité

Un médecin français du nom d’Édouard Toulouse (1865-1947) se penche sur la part de l’hérédité dans les maladies. Le 19 mars 1897, le quotidien montréalais La Patrie fait écho à l’une de ses conférences : «L’hérédité des maladies». Arrêtons-nous à son propos, car ce médecin serait un pionnier dans le domaine. Aujourd’hui, 115 ans plus tard, on évoque souvent la part de l’hérédité en santé, mais nous en sommes encore bien loin d’y voir parfaitement clair.

 

Le docteur Toulouse, dont on connaît la récente enquête médico-psychologique commencée par un curieux livre sur M. Émile Zola, a fait, à la mairie du 10e arrondissement, à Paris, une conférence sur un important sujet : «Hérédité et mariage».

Que dit ce psychologue ? Tout d’abord, il s’est occupé de l’hérédité des maladies, en particulier des maladies mentales. Elles sont, dit-il, rarement héréditaires sous la même forme, pas même l’épilepsie et la goutte. Mais, d’une façon générale, les sujets atteints d’affections modifiant profondément leur nutrition, tels que les tuberculeux, les cancéreux, les épileptiques, les aliénés, et surtout les alcooliques, ont pour rejetons des enfants chétifs ou mal conformés, prédisposés aux maladies nerveuses ou infantiles et plus ou moins déséquilibrés.

La science ne permet pas de dire quelle forme fâcheuse l’hérédité affectera; elle ne peut rien affirmer dans cet ordre de choses, à l’avance. Peut-on, dans ces conditions, réglementer par des prescriptions légales le mariage de telle ou telle catégorie d’individus ? Le docteur Toulouse ne le pense pas.

Peut-être, cependant, d’après lui, les fiancés pourraient-ils être mis en mesure, ou en demeure, de s’instruire mutuellement sur leurs tares personnelles, ou héréditaires, la liste des maladies à déclarer étant arrêtée sur l’avis d’une commission spéciale.

Le conférencier, et c’est là la deuxième partie de sa conférence, considère le mariage comme un contrat fait pour perpétuer l’espèce. Il voudrait donc que chaque contractant s’engageât loyalement, en connaissance de cause. Le divorce, c’est-à-dire la renonciation aux termes du contrat, serait, suivant lui, la première réparation demandée. Puis viendraient, dans le cas des souffrances morales et de dépenses non consenties, des dommages et intérêts.

Les déclarations nécessaires pour ces contestations d’un ordre essentiellement délicat seraient protégées contre des indiscrétions ultérieures par une interdiction légale de divulgation.

Finalement, le docteur Toulouse arrive à la conception théorique d’un livret sanitaire, conservé au centre de l’arrondissement et confié aux soins de l’autorité administrative; des numéros d’ordre, remplaçant les noms, mettraient le contenu de ces livrets à l’abri des curiosités subalternes. Ce serait surtout des livrets scientifiques, servant à démêler les lois de l’hérédité.

On retrouve bien là le savant attaché à la poursuite de sa cause scientifique et désireux, avec les meilleures intentions du monde, de trouver les éléments de vérité dont le privent, dans une certaine mesure, les traditions, les usages et les mœurs. Mais ses desiderata ne pourraient être réalisés qu’en portant la main sur un droit sacré qui domine tous les autres : celui de la liberté individuelle. C’est ce qui rend inadmissible, même après avoir entendu les plus savants et les plus consciencieux exposés, toute thèse ou toute tendance de ce genre.

 

On voit bien que ce médecin soupçonne des liens d’hérédité pour certaines maladies. Manifestement, il cherche à voir plus clair dans le domaine. Mais, dès cette époque, on craint le viol de la confidentialité des dossiers personnels de santé.

Ci-haut, les jumelles Hélène et Jacqueline Saint-Jean. Source de cette photographie : Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Montréal, Fonds Conrad Poirier, Photographies, cote P48, S1, P13527.

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