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«Mon Belle Amour, je vous écrirai Poste restante»

Autrefois, dans les villes, au bureau de poste central, on retrouvait un guichet pour la «poste restante».  Les gens de passage, sur la route, sans adresse fixe, s’y rendaient pour voir si du courrier venant de leurs proches les attendait. Mais la poste restante pouvait aussi servir à autre chose, nourrir des amours clandestines, par exemple.

L’hebdo de Saint-Jean-sur-Richelieu, Le Canada français, du 22 octobre 1909, raconte :

Un groupe de femmes menait grand bruit l’autre jour devant le guichet de la poste restante, à Chicago. Pensez donc ! on demandait à ses dames, avant de leur remettre des lettres aux adresses mystérieusement chiffrées ou discrètement fantaisistes, de vouloir bien consigner sur des cartes «ad hoc» leur nom véritable et leur adresse.

Naturellement presque toutes refusaient; celles — bien rares — qui se soumettaient à cette nouvelle mesure étaient priées de repasser le lendemain, c’est-à-dire après vérification de l’exactitude de leurs déclarations.

Mais c’est indigne ! à quoi sert donc la poste restante ? s’écriaient ces dames courroucées.

La poste restante, leur dit un inspecteur, rend de grands services publics, mesdames, et notamment aux voyageurs, aux étrangers non encore établis dans la ville, aux jeunes gens qui vivent en garni et changent d’adresse à tout bout de champ, etc., mais elle n’a pas été organisée pour favoriser les intrigues des filles trop jeunes ou des femmes mariées.

Je ne parle pas pour les personnes présentes, s’empressa d’ajouter l’inspecteur en voyant plusieurs ombrelles levées vers lui; je suis certain au contraire que vous avez toutes des motifs légitimes pour faire adresser vos lettres poste restante et je vous en félicite vivement.

Vous avouerez bien pourtant qu’il y a des personnes moins sages que vous, mesdames. La poste doit-elle favoriser le vice ou se constituer, dans son domaine particulier, gardienne de la morale et des bonnes mœurs ? La réponse ne saurait être douteuse, déclara l’inspecteur d’une voix grave.

Et voilà pourquoi, dorénavant, si une jeune fille mineure vient chercher des lettres poste-restante, il lui faudra l’autorisation de ses parents; si c’est une femme mariée, il faudra que nous avisions son mari !

Satisfait de son discours, l’inspecteur salua ses auditrices et se retira, riant dans sa barbe.

Les dames s’éloignèrent, moins satisfaites sans doute, car aucune ne voulut remplir les formalités prescrites.

C’est égal; la confiance règne, à Chicago !

 

Oups. Un maître de poste décide de régenter la morale à Chicago et de belles amoureuse, jeunes et moins jeunes, doivent s’en retourner fort déçues et incapables de recours.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Réginald Martel #

    Cher Jean,

    L’article cité date de 1909… On avait raison de se méfier. Soixante ans plus tard, en 1962 plus exactement, j’entretenais une relation « inappropriée », comme on dit aux États-Unis, avec une jeune femme de Québec qui était aussi la femme d’un ami. Elle allait chercher mes lettres au Bureau de poste près de la Place d’armes, où se trouvait je pense une plaque à la mémoire du Chien d’or, celui qui allait mordre qui l’avait mordu…

    Non, je ne regrette rien. Guitry m’excuse, qui écrivait : « Si nos femmes ne nous trompaient pas, avec qui les tromperait-on ? ».

    Amitié,

    Réginald

    31 octobre 2012
  2. Jean Provencher #

    Je ne doute pas, cher Réginald, que ça doit avoir un côté fort excitant. Ça s’appelle «vivre dangereusement».

    31 octobre 2012

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