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Coup de chapeau à Alphonse Piché

Comment ai-je pu attendre aussi longtemps avant de dire un mot du poète Alphonse Piché (1917-1998) ? Je l’aime beaucoup. Je possède plusieurs de ses recueils.

Il naît à Chicoutimi en 1917 et, l’année suivante, sa famille s‘installe à Trois-Rivières. Dans sa notice biographique attachée à son livre Poèmes publié aux Éditions de L’Hexagone en 1976, on dit qu’il s’identifiera à « sa ville » et deviendra un homme de la Mauricie. Il a étudié un temps au séminaire de Trois-Rivières, mais il s’est surtout formé par lui-même et a gagné sa vie en exerçant mille et un métiers : commis de chantier, vendeur d’assurances, comptable, et même chantre d’église et de cérémonie. À la fin, il était devenu un vieux sage.

Dans son ouvrage Poésie du Québec, publié chez Seghers, à Paris, et HMH, à Montréal, en 1968, Alain Bosquet dit de Piché qu’il est «l’auteur, entre autres, de balades d’une sûreté et d’une frappe étonnante».  «C’est — et de loin — ajoute-t-il, le poète néoclassique le plus convaincant de sa génération.»

Il nous sera donné de revenir sur ce cher Alphonse, ami d’abord des Clément Marchand, Albert Tessier, Raymond Douville, Hervé Biron, Adrienne Choquette, Auguste Panneton, puis de Gérald Godin, Gatien Lapointe et des poètes des Éditions des Forges.

Aujourd’hui, en guise d’intro, Le Marché, un texte de son tout premier recueil, publié en 1946, Ballades de la petite extrace, pour lequel il reçut le Prix David l’année suivante. Dans ce livre, il témoigne de son attachement pour les petites gens de son milieu et de sa condition.

 

Cahin-caha, de p’tit matin
Jantes de bois, roues de ferraille,
À pleine taille de butin,
Par la cité qui dort ou bâille
Les vieux quat’roues, vaille que vaille,
Où trônent les bons habitants,
Vont au marché des victuailles;
On ne vit pas de l’air du temps.

Graves comme des mannequins
Ou comme gens aux funérailles,
Lorgnant au mur leur intestin,
S’offrent des bêtes en débraille;
Cochons, lapins, veaux et volailles
Que tâtent sans ménagement
Des mains douteuses ou canailles;
On ne vit pas de l’air du temps.

Et tout ce monde va et vient
Des légumes à la tripaille;
Et tout ce peuple un peu coquin
S’engueule, piaille et se chamaille;
Et c’est à voir, de ces ouailles
Ou de ces monstres tout sanglants,
Lesquels sont réelle mangeaille…
On ne vit pas de l’air du temps.

ENVOI
Bons habitants, à vos semailles,
À vos troupeaux retournez-en
Parfois, faut bien faire ripaille…
On ne vit pas de l’air du temps.

 

L’illustration montre le marché public devant l’église fortifiée des Chevaliers Templiers à Luz, dans les Hautes-Pyrénées. Cette image du peintre, illustrateur et architecte anglais Thomas Allom (1804-1872) est extraite de l’ouvrage Europe illustrated: its picturesque scenes and places of note, described by John Sherer, superbly embellished with steel engravings by Turner, Allom, Bartlett, Leitchm and other eminent artists. First series. France, Belgium, and the Rhine, The London Printing and Publishing Company Limited, 1876.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. sylvie pontbriand #

    Encore une belle découverte. Merci!
    Au CEGEP de Trois-Rivières, dans les années 70, on nous parlait de Pamphile Lemay (Deschaillons) comme poète de la région. Mais hélas il n’a pas été question d’Alphonse Piché …encore vivant à cette époque et qu’on aurait pu rencontrer !

    27 juillet 2012
  2. Jean Provencher #

    Ayant quitté Trois-Rivières en 1964 car l’université n’avait pas encore vu le jour, je n’ai pas connu malheureusement ce cher Alphonse. Mais des amis m’en parlaient et me disaient qu’il était un personnage fort simple et bien agréable. Et sachant qu’il était ami avec Gérald et Gatien Lapointe, j’aurais beaucoup aimé faire sa connaissance.

    27 juillet 2012

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