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Des cartes postales à perdre son âme

En 1900, l’amateur de cartes postales à l’embarras du choix. On trouve en librairie bien davantage que des images pieuses, des paysages ou des personnages politiques. Et un quidam de la ville de Québec, qui se donne le nom de Benjamin des Anges, s’en scandalise et fait campagne contre ces cartes postales dites de fantaisie.

La Patrie raconte.

Un Québecquois lettré a entrepris sous le nom de Benjamin des Anges une campagne contre les nouvelles cartes postales de fantaisie que tous les libraires à la mode offrent au public.

Le Rosaire, l’organe des Dominicains, adresse à Benj. Des Anges ses félicitations les plus chaleureuses et l’exhorte à poursuivre persévéramment son œuvre si louable. Il dénonce en ces termes le péril nouveau :

Nos librairies sont devenues, paraît-il, des succursales de l’Hôtel des Postes. Les vitrines sont encombrées de cartes postales sur lesquelles il ne manque plus que le mot aimable ou galant. Anodine au début alors qu’elles ne représentaient que des sites pittoresques ou des chefs-d’œuvre artistiques, la carte postale illustrée est devenue, il fallait bien s’y attendre, légère et ce qui est plus grave, pornographique.

Il y a, dit Benj. Des Anges, dans telles vitrines… des cartes postales, c’est-à-dire des images, des scènes, des tableaux, des nudités, des démarches, des gestes, des actions, qui sont un défi jeté à la morale publique. Il y a là des poèmes complets de la galanterie la plus saugrenue, de la passion la plus indiscrète et la plus suggestive, poèmes lascifs que vous pourriez voir se développer en plusieurs chants, c’est-à-dire en des séries de cartes postales qu’un honnête père de famille ne voudrait pas laisser sur la table de travail de son jeune fils ou de sa jeune fille. Il y a là s’étalant en plein soleil des personnages, des cartons que des gens qui se respectent ne voudraient pas fixer sous le seul regard de leur conscience.

On objectera que ces petites reproductions ne sont pas dangereuses ? À cela, l’auteur répond : «Ce n’est pas parce que les tableaux sont plus petits, que le mal est moins grand; et que, aussi parce que ces tableaux en papier sont moins dispendieux et s’achètent plus facilement, que le dommage est moins considérable.»

Le mal est grand. Ce n’est pas seulement Québec qui voit ces sortes d’exhibitions malsaines, d’autres villes de notre province ont aussi leurs vitrines achalandées et où s’étalent avec cynisme ces amorces de la passion. La jeunesse est particulièrement friande de ces productions malpropres. Dieu sait le mal qui en résulte pour les âmes. Je connais tel prédicateur de retraites de jeunes gens qui, après une séance de plusieurs heures au confessionnal, eut à livrer aux flammes un énorme paquet de ces cartes ordurières.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Françoise Bourgault #

    Je n’ai pas eu l’occasion de voir ces cartes postales préjudicieuses à la morale ! Mais je suis sûre que le tort ne fut pas aussi grand…

    Par contre, ce qui m’étonne c’est de retrouver de vieilles cartes postales représenant, par exemple, une maison somme toute ordinaire, du village de Saint-Léon-de-Standon. Pourquoi les photographes décidaient-ils de reproduire une de leur photo en carte postale et de la distribuer à grande échelle ? L’intérêt est tellement local, le sujet assez banal même si la photo a une certaine valeur artistique.
    Au musée des Mémoires vivantes de St-Jean Port-Joli, il en ont des centaines et ils n’ont pas pu expliquer ce phénomène.

    Ces cartes, un brin coquines, devaient se démarquer de sujets religieux, des images et des paysages…

    9 juillet 2012
  2. Jean Provencher #

    Je n’ai pas travaillé, chère Françoise, sur l’histoire de la carte postale, mais je me demande s’il n’y a pas un parallèle à faire entre internet aujourd’hui et la carte postale en 1900. Toute personne aujourd’hui peut, à très peu de frais, se donner un site très simple, un blogue, sur lequel elle s’annonce, nous parle d’elle, de ses goûts, de son lieu de vie, de ses créations ou autres. En 1900, grâce à l’appareil Kodak, vous pouvez vous-même imaginer une carte postale de la personne, du lieu, de la maison que vous aimez. Vous n’avez pas de talent pour la photographie ? Des photographes, dans votre région, font métier d’aller immortaliser votre village et de le placer dans leur catalogue de cartes postales à vendre. À Québec et à Montréal, des libraires éditent à votre demande des cartes postales. La carte postale ne coûte pas cher à fabriquer et se vend à prix populaire. Donc, on en retrouve alors sur une infinité de sujets.

    9 juillet 2012

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