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La Saint-Jean-Baptiste (24 juin)

Chères Québécoises, chers Québécois, Bonne Fête !

Au début du 20e siècle, bien que le 24 juin soit un moment de la semaine comme un autre (il faudra attendre 1925 pour que le Gouvernement du Québec en fasse un congé férié), ce jour est tout de même depuis 1834 la «fête nationale des Canadiens».

Cette année-là, le journaliste Ludger Duvernay imagine cette célébration, car il est urgent de regrouper les Canadiens pour leur donner plus de force politique. Les Anglais fêtent la Saint-Georges, les Gallois la Saint-David, les Écossais la Saint-André, les Irlandais la Saint Patrick; les Canadiens célébreront la Saint-Jean-Baptiste.

À compter de 1868, une année après naissance de la Confédération canadienne, on propose de fêter le Dominion Day le 1er juillet. Mais, après neuf ans, rien n’y fait, selon Arthur Buies. Du moins à Québec. Dans sa chronique du 2 juillet 1877, le journaliste écrit :

On a beau faire, tant que le Canada ne sera qu’une colonie, il n’y aura pas de nationalité canadienne; il y aura des races française, anglaise, écossaise, irlandaise, qui, toutes, se réclameront de leur mère-patrie respective, mais elles ne se fondront pas dans l’appellation commune de canadiens, parce qu’il ne peut exister une nation canadienne là où il n’y a pas d’état canadien indépendant.

Voilà ce que je me disais hier en observant dans les rues de Québec les particularités de la célébration du Dominion Day. On a voulu faire de ce jour-là la fête générale de la Confédération, on a tenté d’instituer une fête commune, essentiellement nationale, indifférente à toutes les sympathies d’origine, également propre à toutes les races, eh bien ! on n’a pas réussi à en faire autre chose qu’une fête anglaise.

Non, les Canadiens-Français ne reconnaîtront jamais d’autre fête nationale que la St. Jean-Baptiste. Ils admettent parfaitement l’autorité de l’Angleterre, il lui sont très soumis, ils obéissent volontiers aux lois qu’elle sanctionne pour ses provinces d’Amérique, mais à ce caractère exclusif se bornent leurs relations avec elle; en dehors du lien politique, il n’y a plus de rapprochement, encore moins d’affinité.

En outre, le canadien-français ne comprend pas qu’on puisse lui imposer une autre fête nationale que celle qu’il a établie lui-même, que celle qu’il a choisie; il se regarde avec raison comme le véritable habitant du Canada; lui seul y a des traditions; c’est là qu’est son histoire, ce sont ses pères qui ont fondé et peuplé ce pays maintenant soumis au pouvoir étranger; c’est lui seul qui s’appelle canadien tout court, et il est uniquement et essentiellement ce qu’on le nomme, pendant que les habitants des autres races ne veulent absolument que des anglais, que des écossais ou des irlandais.

Il n’a pas seulement un caractère qui lui est propre; il n’habite pas le Canada au même titre que les races étrangères qui l’entourent, il y est de par les titres réunis qui constituent une nationalité et la rattachent au sol; appartenant à cette nationalité qui, seule, est réelle, qui, seule, est constituée par l’histoire et les traditions dans l’Amérique anglaise, il n’est donc pas prêt à admettre pour le Canada une autre fête nationale que celle qui est sienne, et, en bonne justice, on ne saurait l’exiger de lui.

Le Dominion Day reste donc, pour la province de Québec, une fête essentiellement anglaise; c’est une célébration politique et non pas nationale, et on le voit clairement à chaque pas qu’on fait dans les rues de nos villes; les banques sont fermées, il est vrai, de même que les bureaux publics dont le caractère est officiel, parce que le Dominion Day est un jour légal; les magasins anglais sont fermés aussi, mais les magasins canadiens ne le sont pas, si ce n’est par exception.

Voici un exemple extrêmement piquant de ce fait; je l’ai remarqué tout à coup en passant dans la grande allée St. Louis où se construisent côte à côte deux grands édifices; l’un est élevé par un entrepreneur canadien, l’autre par un entrepreneur anglais : au premier, les ouvriers travaillaient absolument comme d’habitude; au second, il y avait silence de tombe, absence complète, pas une figure humaine.

Tout le Dominion Day était là.

 

Ce texte d’Arthur Buies paraît dans ses Petites chroniques pour 1877 (Québec, Imprimerie C. Darveau, 1878).

À noter que…

En 1977, le Gouvernement du Québec proclame le 24 juin jour de la Fête nationale du Québec, fête désormais fériée et chômée de toutes les personnes habitant le Québec.

Le Canada mettra du temps à devenir indépendant de l’Angleterre; le statut de Westminster ne surviendra qu’en 1931. Mais ce pays l’est-il vraiment aujourd’hui ? Les faits et gestes actuels du gouvernement Harper laissent croire souvent qu’il s’ennuie de ce temps de la soumission du Canada à l’Angleterre.

D’autre part, dans ce texte de Buies, où sont donc passés les Amérindiens qui étaient en cette contrée bien avant l’arrivée des Européens, même des Européens venus de France ? Disparus du discours. Parqués dans des «réserves». Il faudra bien un jour s’y mettre à plusieurs et avec eux pour «nommer» leur place et leur importance dans la culture d’ici, et causer d’avenir à la fin.

 

Voir aussi sur l’histoire de la Saint-Jean cette entrevue avec Louis Lemieux à son émission RDI Matin Week-end.

3 commentaires Publier un commentaire
  1. Sylvie Pontbriand #

    Eh! Oui c’est un texte politiquement très actuel! Il nous reste à faire de ce jour une courte pointe de toutes les cultures qui se sont ajoutées au cours des années avec comme couture et doublure la culture québecoise et aussi enfin reconnaître la culture amérindienne , leur apport à notre survie dans le difficile hiver et aussi à nos côtés dans les combats et que dire des métis ? Il ya -t-il eu du métissage anglais-amérindienne ou est-ce seulement entre français-amérindienne?
    Est-il trop tard pour refaire alliance pour sauvegarder la nature du moins ce qu’il en reste et protéger leurs et nos richesses naturelles?

    24 juin 2012
  2. Jean Provencher #

    Vous avez tellement raison, chère Sylvie. Avec couture et doublure, comme vous dites. Ne se priver d’aucun des enrichissements au fil du temps. Nos Amérindiens. Et nos Métis, diable ! Une bien riche culture de tous ces venus sur cette terre québécoise, depuis le début des temps, ma foi. Et puis prendre soin de cette terre, cette nature, notre milieu de vie ! Jamais l’appauvrissement, entre autres la dilapidation ! Pour la suite de ce monde.

    24 juin 2012

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