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La fête du concierge

Au début du 20e siècle, une fois l’an, les étudiants de l’université McGill, à Montréal, font la fête au concierge de l’institution. Sous le titre Majesté de portier, La Patrie du 5 mai 1905 raconte l’événement.

Monté sur un baril, lequel était rempli de gros sous, de plâtre et de sciure de bois, un vieux gentleman respectable, aux cheveux blancs, comme neige, vêtu d’un costume de pierrot, adressait hier, square Philippe, la parole à un auditoire grouillant et tumultueux d’étudiants.

C’était la traditionnelle procession, en l’honneur de Sa Majesté, le portier de l’université McGill.

Depuis que l’université existe [McGill fut fondée en 1821], cette cérémonie a lieu chaque année. C’est une sorte de carnaval qui dure une heure, pendant laquelle les étudiants font un cortège burlesque au concierge burlesquement costumé.

Ce concierge qui s’appelle Cook est un personnage légendaire. Depuis 30 ans, il tire le cordon de la porte aux générations qui se sont succédé dans les salles de cours.

Une fois ou deux l’an, il sort de l’université, car il est pénétré de l’importance de son rôle et de sa responsabilité.

Âgé aujourd’hui de quatre-vingts ans, un peu maniaque peut-être, il n’en est pas moins aimé par tous les étudiants.

Il sait plus d’anecdotes sur l’université que les archives elles-mêmes. Doué d’une mémoire vraiment extraordinaire, il se rappelle la figure et les noms de tous et de chacun.

Hier encore, il racontait des anecdotes sur le docteur [William] Osler, dont les théories viennent de faire si grand bruit. [Osler déclarait quelques semaines auparavant que, dans une vie, le travail le meilleur est réalisé entre 25 et 40 ans, qu’on devrait mettre les populations à la retraite à 60 ans et qu’après une période contemplative d’une année, nous serions doucement endormis au chloroforme.]

Après le discours qui fut joyeusement applaudi et interrompu, le vieux concierge fut pompeusement monté sur un pavois et reconduit triomphalement à l’université.

 

À Trois-Rivières, carabins, nous avions notre manière à nous de nous moquer du vieux concierge, qui jouait aussi le rôle de portier. Au moment des récréations, par exemple, les élèves pensionnaires qui recevaient de la visite étaient invités, grâce à un appel par haut-parleur, résonnant fortement dans la cour de l’école, à gagner le parloir.

Ayant compris le manège, il arrivait fréquemment que l’un d’entre nous s’échappe de la cour et se présente à la porte avant du séminaire, disant au portier qu’il souhaitait rencontrer Victor Hugo, ou Jean-Paul Sartre, ou Arthur Rimbaud, ou Paul Verlaine… Beaucoup des grands noms de la littérature française ont résonné ainsi dans la ville. Et le vieux monsieur, consciencieux, y allait fidèlement, insistant fortement sur chaque syllabe. «Vic  tor Hugo, Vic  tor Hugo… est demandé au parloir.»

À la fin, à l’intention du portier, les prêtres avaient constitué une liste de noms, par ordre alphabétique, à ne pas appeler au parloir. «Vérifiez toujours si le nom demandé apparaît sur cette liste. S’il s’y trouve, évitez l’appel.»

 

La photographie de l’université Mc Gill est de Yoav Lerman sur Flickr.

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