Skip to content

On peut tout dire, semble-t-il, avec un mouchoir

Le génie féminin, inépuisable dans ses ressources multiples pour esquiver la contrainte ou la dissimulation qu’impose au beau sexe l’usage barbare qui veut que les avances de l’amour viennent de l’homme, — le génie féminin, disons-nous, vient d’inventer un mystérieux langage d’amour qui a l’avantage de tout faire comprendre sans rien exprimer.

Ce langage se nomme télégraphe du mouchoir et est maintenant en grande faveur dans la flirtation américaine.

Poser le mouchoir sur les lèvres indique que l’on veut faire connaissance ; sur les yeux, que l’on a du chagrin ; l’étaler sur la main, que l’on peut se risquer ; le tenir tombant, que l’on sympathise ; le rouler autour de la main signifie indifférence ; le tirer à travers le menton veut dire : je vous aime ; l’étaler des deux mains : je vous hais ; l’appuyer sur la joue droite exprime un oui tendre ; sur la joue gauche : un non formel.

Le rouler au poignet gauche : Laissez-moi tranquille ; le rouler au poignet droit : J’en aime un autre ; le piler : Je désire vous parler ; l’agiter sur l’épaule comme pour chasser les moustiques dit clairement : Suivez-moi ; le tenir par les deux coins : Attendez-moi ; le placer en bandeau sur le front est un avertissement qui révèle qu’on est surveillé ; sur l’oreille droite : Vous êtes inconstant ; sur la gauche : J’ai un message pour vous ; sur un œil : Vous êtes cruel ; le rouler à l’index : Je suis fiancée ; à l’annulaire : Je suis mariée.

Voilà pourquoi les conservations et les murmures ont disparu des salons. On travaille, on ne parle plus.

 

Le Franco-canadien (Saint-Jean-sur-Richelieu), 19 septembre 1884.

No comments yet

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS