Catastrophe le long de la rivière Sainte-Anne

Il semble qu’un gros bloc de glaise, détaché d’abord à Saint-Alban, soit parti à la dérive, en route vers le Saint-Laurent.

Le récit d’une inondation terrible nous arrive de Ste-Anne de la Pérade.

Un voyageur racontait la chose hier soir au St Lawrence Hall.

Cette catastrophe a été causée par un éboulement au confluent de la rivière Blanche et de la rivière Noire, tributaires de la rivière Ste-Anne.

Le cours de cette dernière a été complètement changé et les dommages causés à la vie et à la propriété sont énormes.

Un nombre considérable de maisons ont été enlevées et, hier matin, les pertes de vie étaient au nombre de quatre.

Quatre ponts, y compris le fameux pont de Ste-Anne, ont été enlevés.

D’autres dommages ont été causés par le feu qui s’est déclaré, samedi, après l’inondation, mais on ne connaît pas encore les pertes.

Nouveaux détails.

Ste-Anne de la Pérade, 30. — L’inondation à St-Alban, comté de Portneuf, a eu lieu vendredi soir, à 5 heures. Les bords de la rivière qui sont en glaise et de 150 pieds [quelque 46 mètres] au-dessus du niveau du fleuve se sont écroulés, bloquant le chenal naturel de la rivière sur un espace de plus de 5 milles de long [8 kilomètres].

L’eau a monté de 100 pieds instantanément [un peu plus de 30 mètres] au-dessus de la masse de la terre qui a ainsi tombé dans le milieu de la rivière.

Quelques instants après, la masse de terre s’est mise en mouvement et est descendue vers le village de St-Alban, entraînant le pont avec elle. L’eau au village a monté de 4 pieds au-dessus du pont qui était de 75 pieds au-dessus du lit de la rivière.

À dix heures dans la soirée, la masse de terre qui se mouvait lentement est arrivée à St-Casimir.

Là aussi, des ponts ont été emportés. Enfin, à 11 heures, l’amoncellement de glaise est arrivé à Ste-Anne où il a emporté les deux piliers de pierre du nouveau pont en fer, toutes les dalles de la manufacture de J. A. Mousseau et la maison de M. David Gauthier qui a complètement disparu sous la terre.

Il y avait 4 personnes dans la maison. On les suppose mortes. On vit aussitôt de la fumée s’échapper de plusieurs maisons qui ont été démolies par l’avalanche et qui ont pris feu. Plusieurs centaines d’animaux ont péri. On en voit flottant sur la rivière.

D’autres passent près de la rive apparemment vivants, mais trop épuisés pour pouvoir l’atteindre. Le travail du chantier de Ste-Anne est complètement interrompu. Au moins 5,000 hommes ont visité le théâtre du désastre hier.

Les dommages sont évalués à plus de $700,000.

 

La Patrie (Montréal), 30 avril 1894.

Amateur de sensations fortes, à vous de lier ce billet précédemment paru à celui-ci.