Qu’arrive-t-il avec le marché à Saint-Hyacinthe ?

En 1905, plusieurs Maskoutains sont mécontents de leur marché public, le Marché Centre. On le voudrait plus accueillant et ouvert plus fréquemment. Je crois comprendre dans la documentation qu’il est à la disposition du public seulement aux deux ou trois semaines, ce qui oblige la population à aller s’approvisionner en dehors de la ville. Certains font campagne pour que le conseil de ville décrète son ouverture à tous les vendredis soirs, mais d’autres s’y opposent, craignent que ça nuise aux commerces, le samedi.

L’hebdomadaire La Tribune fait campagne pour que le marché ouvre à tous les jours, afin de dynamiser l’économie de la ville. Il en fait sa une le 24 novembre 1905.

On peut crier au scandale, mais nous le répétons, tous les jours de la semaine. Qu’est-ce que nous devons souhaiter pour notre ville, si ce n’est un état un peu moins déplorable que celui dans lequel croupissent et le commerce et l’industrie de notre localité.

Il n’est pas nécessaire d’avoir cinquante ans pour affirmer avec autorité ce que nous disons.

Il n’est pas nécessaire non plus d’être négociant, industriel ou rompu aux affaires pour constater la vérité de ce que nous écrivons. Il suffit simplement d’avoir des oreilles, et d’écouter attentivement, dans le vent qui passe, les clameurs de notre population qui crie au malaise général, au mauvais état du commerce et de l’industrie. […]

Plusieurs villes ouvrent les portes de leurs marchés tous les jours, et toutes ne s’en portent pas plus mal. Elles voient prospérer leurs affaires locales, et le samedi ne reste pas moins la journée dite «des affaires».

Trois-Rivières a un marché ouvert tous les jours, Sorel et Joliette la même chose, et la ville de St-Jean vient de passer un règlement par lequel le marché est occupé exclusivement par les vendeurs de légumes ou des produits de la ferme. Les bouchers sont obligés d’avoir des étaux privés. Ils ont une taxe spéciale. Montréal ouvre ses marchés tous les jours, tout en gardant deux jours de «grand marché», le mardi et le vendredi.

À St-Hyacinthe, c’est tout le contraire. Notre marché s’ouvre le moins possible. Il a l’apparence d’un temple consacré à quelques divinités inconnues, dans la profondeur duquel planent des ombres mystérieuses dont il n’est pas bon de troubler la béate sérénité.

L’ouverture du Marché Centre tous les jours aurait comme premier et principal avantage d’amener ici des étrangers des alentours. Un cultivateur venant à la ville serait toujours certain d’y trouver des acheteurs, attendu que les familles n’auraient plus besoin de faire des provisions pour huit ou dix jours. L’été, les produits de la ferme, les légumes, etc., seraient plus frais et en meilleure condition. Il en serait ainsi pour tous les comestibles que l’on expose en vente sur notre Marché. […]

Quand on fera de notre Marché un Marché, le public ne manquera pas, et les affaires prendront une toute autre tournure.

Finalement, le 11 décembre, le juge Madore, devant une salle d’audience remplie à pleine capacité, décrète que la Cité de Saint-Hyacinthe est libre d’ouvrir le marché quand bon lui semblera. Dorénavant, le Marché Centre sera bel et bien ouvert le vendredi soir.