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Les plantes sentent bon, même lorsqu’elles se décomposent

Dans son grand livre sur les plantes, le botaniste Francis Hallé l’évoque. Êtes-vous déjà entré dans un moulin à scier ? Avez-vous déjà approché un scieur de bois ? Immédiatement, un bon parfum vous saute au nez.

Nous avons beau, écrit Hallé, être du côté des animaux, il, faut reconnaître que leurs odeurs nous paraissent fréquemment repoussantes ; hélas. celles des humains ne valent pas mieux […].

Tout cela est dû à la haute teneur des animaux en protéines, dont la décomposition libère des composés azotés et soufrés aux noms évocateurs et à l’odeur infecte : putrescine, cadaverine, etc. Infecte pour nous, mais pas pour les mouches, ce qui montre que nous sommes là dans le subjectif : aucune odeur n’est bonne ni mauvaise en elle-même. Allons plus loin : aucune émission volatile n’a d’odeur en soi ; il faut un odorat pour qu’elle acquière cette caractéristique. […]

Les plantes sont, dans l’ensemble, nettement plus distinguées ; alors que les maladies animales ou humaines peuvent entraîner des visions et des odeurs répugnantes, les plantes, elles, réagissent à diverses agressions par une morphogénèse : elles mettent en place des organes parfois très jolis de formes et de couleurs (galles, cécidies, broussins, bédégards, etc.) ; en outre, il n’y a pratiquement rien chez elles qui soit malodorant. Même lorsqu’elles sont mortes et décomposées, les parfums qu’elles dégagent sont plus mélancoliques qu’agressifs et il est parfaitement possible de s’attacher à l’odeur de la mort des plantes. Odeur des chantiers d’abattage ou des scieries, feuilles mortes, de bois pourri, d’humus ou de sous-bois. La décomposition des hydrates de carbone, notamment la cellulose, ne génère aucun produit malodorant.

Des exceptions existent, faciles à interpréter : quelques légumes riches en protéines — choux, aubergines, haricots, soja, pois, etc. — sentent très mauvais lorsqu’ils se décomposent. Il y a aussi des fleurs dont je parlerai plus loin, qui sont pour nous puantes mais dont les mouches raffolent.

Incontestablement, c’est du côté des odeurs agréables que les plantes déploie tous leurs talents : odeur d’un champ d’algues à marée basse, odeur fraîche qui règne dans une pinède, parfum du foin que l’on vient de couper, odeur du riz mûr sur les terrasses des campagnes asiatiques, arôme d’un bon café fraîchement percolé, odeur d’un vieux jardin sous les premières gouttes de la pluie d’été.

 

Francis Hallé, Éloge de la plante. Pour une nouvelle biologie, Paris, Éditions du Seuil, 1999, p. 155s.

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