Où se place Marco Polo dans la découverte de l’Asie ?
En histoire, nous rêvons toujours de remonter jusqu’au début d’un fait, d’un événement, d’une biographie, d’une œuvre, et quoi encore. Ça tient de l’appétit.
Je possède un joli petit livre de plus de 300 pages d’E. [Ernest Henri] Garnier, Voyages dans l’Asie méridionale (Hindoustan, Indo-Chine, Sindhy, Lahore, Caboul et Afghanistan) depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours.
Qu’entend donc l’auteur par « depuis les temps les plus reculés » ? Il nous entretient d’abord de Rubruquis [Guillaume de Rubrouck ou de Rubroeck, décédé après 1293], frère mineur originaire de la Flandre française, qui se rend jusqu’en Mongolie et visite la capitale de l’Empire, Karakorum [au nord-est de la province d’Övörkhangai, en Mongolie, près de la ville actuelle de Kharkhorin] en 1254. Puis il revient en Occident.
Retrouvons maintenant Marco Polo.
Rubruquis donna aux Européens une telle idée de la barbare splendeur des régions visitées par lui, fit un tel récit de leur pouvoir, de leurs richesses, de leurs étranges coutumes, qu’il éveilla enfin l’esprit d’entreprise et d’aventure, auquel nos contrées occidentales doivent une si grande partie de leur puissance et de leurs richesses.
Les Vénitiens, qui tenait alors une brillante place parmi les peuples européens, furent les premiers à suivre les traces de Rubruquis ; et les frères Marco et Nicolo Polo, tous deux Vénitiens, allèrent visiter, en 1266, le petit-fils de Gengis, maître de la Chine ; ils résidèrent à Pékin et à Boukhara [en Ouzbékistan, en Asie centrale], et, après quatorze ans d’absence, revinrent sains et saufs dans leur patrie.
Marco Polo, fils de Nicolo, éclipsa la renommée de son père et de son oncle. Observateur intelligent, rapporteur exact de toutes les traditions asiatiques, doué d’un esprit lucide et d’une imagination assez vive pour s’associer aux fables merveilleuses de l’Orient et reproduire avec d’ardentes couleurs ces fictions caractéristiques, Marco Polo passa vingt-quatre ans en Asie.
Les Tartares conquérants de la Chine avaient échangé leurs tentes nomades contre des palais, et leur férocité guerrière s’était enfin adoucie. Le jeune voyageur devint le favori de Kublay-Khan, empereur de la Chine, qui le prit sous sa protection spéciale, le nomma gouverneur d’une province, et l’employa dans différentes ambassades.
Marco Polo revint par Ormus [ville d’Ormuz à l’entrée du golfe Persique], Trébisonde [Trabson ou Trébizone, ville de Turquie au nord de la mer Noire], Constantinople [Istanbul], et passa les jours de sa vieillesse à Venise, où il rédigea l’histoire de ses voyages, ouvrages précieux et remarquables, auxquels on a reproché à tort leur nuance orientale, comme si cette teinte merveilleuse, qui colore les objets sans jamais les défigurer, n’était pas le cachet de la véracité de l’auteur, la preuve authentique de ce long séjour et de cette attentive observation qui avaient fini par l’assimiler avec les peuples qu’il a décrits.
E. Garnier, Voyages dans l’Asie méridionale (Hindoustan, Indo-Chine, Sindhy, Lahore, Caboul et Afghanistan) depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, Tours, Mame et Cie, 1845, quatrième édition, p. 20s.