Comment on définissait la folie il y a un peu plus de cent ans
Voilà un état d’être qu’on trouvait déjà fort complexe.
Bien des définitions en ont été données depuis Esquirol en passant par Georget et Foville, sans oublier Baillarger et Dagonet. […] Baillarger est encore peut-être celui qui en a donné la meilleure.
« La Folie, dit-il, est une affection cérébrale apyrétique, ordinairement de longue durée, et dont le caractère principal est un désordre de l’entendement dont le malade n’a pas conscience ou qui l’entraîne à des actes que sa volonté est impuissante à réprimer. »
Pour être complet, il faut ajouter qu’il y a des accès de folie très aiguë et d’une durée très limitée, comme il y a des accès qui s’accompagnent d’une fièvre bien marquée.
Quant aux causes de la folie, elles sont multiples. En général, il est très rare qu’une seule cause agisse. Le plus souvent, la folie est la résultante d’un ensemble d’influences et il est extrêmement difficile de discerner la part qui revient à chacun des facteurs dans la production de ce résultat complexe.
Sans chercher si, de nos jours, le nombre des aliénés est plus grand qu’autrefois et sans prendre parti, dans la discussion qui s’est élevée contre la civilisation, l’accusant d’exercer une influence considérable sur le développement de la folie, on peut dire que l’effort imposé à chacun dans notre société moderne par la nécessité de vivre, effort souvent, pour ne pas dire toujours, au-dessus des forces de l’individu, suffit bien souvent à arriver à fausser les rouages de l’admirable machine cérébrale. […]
De nos jours, il y a moins de disette et de misère qu’autrefois et les superstitions démoniaques, les croyances à la magie et à la sorcellerie ont à peu près disparu. Des aliénistes distingués ont voulu ranger au rang des causes prédisposantes de la folie les idées religieuses et les événements politiques, il y a du vrai dans cette assertion, mais il ne faut pas non plus exagérer.
En tout cas, la principale de toutes les causes, c’est l’«hérédité», qu’elle soit directe (venant du père ou de la mère), alternante ou atavique (venant des grands-parents), ou collatérale (venant d’un oncle ou d’un cousin). De plus, certaines maladies nerveuses peuvent se transformer d’une génération à une autre, sans conserver exactement les mêmes caractères. Le fond maladif, provenant du même germe, peut se modifier dans sa forme.
On voit par là combien il est difficile au médecin de rechercher les causes de la maladie mentale. […]
Dr Aubinière.
L’Album universel (Montréal), 8 septembre 1906. Extrait du « Journal de la Santé » de Paris.