Les cabanes à la dérive
La nouvelle datée du 23 décembre provient de Rimouski, dans le Bas-Saint-Laurent.
Un fait original s’est passé, vendredi après-midi, en face de notre ville.
Chaque année, des amateurs de pêche placent sur notre rivière des cabanes qui leur permettent, malgré les rigueurs de l’hiver, de se livrer à leur sport favori tout en faisant un commerce rémunérateur.
La glace était à peine formée sur notre rivière que dix de ces fervents de la pêche y plaçaient leurs cabanes. Or, vendredi, la mer monta plus qu’à l’ordinaire, et le vent du sud s’étant levé, les cabanes prirent le large, faussant compagnie à leurs propriétaires.
Un jeune homme, toutefois, faillit être victime de son imprudence. Il se trouvait dan l’une de ces cabanes lorsque la banquise de glace qui les portaient se détacha du rivage en gagnant le fleuve. Grâce au dévouement de M. S. Vachon, imprimeur de notre ville, il put être ramené à terre en chaloupe.
Ce fait nous rappelle une aventure des plus tragiques qui arriva à un jeune homme du Sacré-Cœur, il y a quelques années. Il partit sur un morceau de glace qui était à la dérive, et fit un parcours de 3 milles entre ciel et eau, les bras en croix sur le morceau de glace. Enfin, des gens courageux se mirent à l’œuvre et allaient le chercher. Au moment où il mettait le pied dans la chaloupe, le morceau de glace qui le portait se brisa.
Vendredi, les dix cabanes s’en allant à la dérive formaient un singulier spectacle. On aurait dit une petite ville flottante au milieu de notre fleuve.
Ce malheureux incident cause des pertes assez fortes à ceux qui en ont été les victimes. C’est ainsi que M. Romuald D’Anjou perd une magnifique cabane qu’il évalue à cinquante piastres.
La Patrie (Montréal), 23 décembre 1907.