Montferrand et sa foi en la Vierge
Au Québec, nous possédons de nombreux écrits sur Joe Montferrand, homme fort, héros, homme d’honneur, disait-on. Ici, l’historien Benjamin Sulte y va d‘un texte qui ne guère diffusé à son sujet.
Montferrand religieux, fervent, cela étonne tout d’abord. On se figure ce redoutable athlète ne craignant ni Dieu ni diable, selon l’expression populaire. Cependant tel n’était point le cas.
Chaque fois qu’il s’est trouvé dans quelque péril, il a invoqué la Sainte Vierge pour qu’elle lui donnât du courage, et ce qui est plus remarquable, il avouait cela à ses camarades très peu enclins à la dévotion, la plupart même assez libres penseurs.
«M. Bastien, son compagnon de voyage, dit que jamais Montferrand n’a laissé coucher ses hommes pendant le mois de mai, sans leur faire dire le chapelet, et que toujours, quand la cage [immense plateforme de poutres de bois attachées les unes aux autres menée sur la rivière des Outaouais et le Saint-Laurent jusqu’à Québec, à destination de l’Angleterre] était ancrée à proximité d’une église, il emmenait ses hommes à la messe le dimanche, ne laissant sur la cage que le cuisinier.
«Ses camarades, qui étaient fiers de lui, le réprimandaient quelquefois d’avoir refusé la bataille. À cela, il répondait :
« — J’ai promis à la Sainte Vierge de n’agir que si je voyais une chose mauvaise, un tort, une insulte imméritée, où le fort opprimait le faible.
«En effet, on ne peut lui reprocher de s’être engagé dans les luttes pour le plaisir de manifester sa force ou sa vaillance. Il y avait un fond de chevalerie dans son imagination. Au moyen âge, il eut porté la lance et la hache d’arme avec éclat, pour Dieu, sa dame et son roi.
«À partir de 1840, il n’alla plus dans les forêts au-dessus de Bytown [Ottawa]. Il guidait les radeaux de bois flotté, depuis cette ville jusqu’à Québec. […].
Le Sorelois, 7 novembre 1884.
Au fil du temps, a-t-on magnifié l’image de Joe Montferrand ? Peut-être bien. Pour plus de certitudes, voir le travail récent des historiens Gérard Goyer et Jean Hamelin.
Sur Montferrand et quelques hommes forts, voir ces billets sur ce site.
