Première tempête de neige de la saison à Montréal
Dans la presse québécoise d’hier, fréquemment, lors de la première tempête, les journalistes se font poètes. En ont-ils la commande du propriétaire du journal, je l’ignore. Voici le propos de la première tempête, fin novembre 1904.
La neige, depuis trois jours, tombe par intermittence, en flocons immaculés, couvrant de son bel hermine [sic] la laideur du sol gris et boueux d’automne. Les enfants sont dans la jubilation, car s’ouvre devant eux toute une ère de plaisirs nouveaux. C’est l’hiver qui nous arrive brusquement, et pour de bon, car il n’y aurait rien de surprenant que cette neige restât, le sol étant suffisamment gelé.
C’est du moins ce que tout le monde désire; le commerce prendrait un essor nouveau et le trafic deviendrait moins difficile.
Dès dimanche, les traîneaux ont commencé à circuler dans nos rues et l’on était tout étonné d’entendre le son des grelots se mêler aux bruits des roues. Partout des troupes joyeuses de bambins glissant sur les trottoirs et saluant la saison nouvelle de leurs clameurs délirantes.
Ils menacent à tout instant de nous casser les jambes, mais leur rire est si franc, leurs joues si roses, leurs yeux si brillants, qu’on leur pardonne ce danger qu’ils nous font courir. Et puis cette neige, dans un ordre d’idées plus sérieuses, c’est du pain qui tombe, c’est la manne pour nombre de pères de familles qui l’attendent pour avoir de l’ouvrage.
Le changement, néanmoins, n’est pas sans avoir des désagréments.
Les pavés sont dangereux et le service des tramways est défectueux.
Dans divers endroits de la ville, plusieurs voitures de la compagnie ont déraillé. Mais enfin ces premiers contretemps passeront et des jours encore meilleurs luiront.
En attendant, la neige tombe fine, fine, et les traîneaux glissent…. …
La Patrie (Montréal), 29 novembre 1904.
