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«L’expliquera qui pourra»

rougegorge

Le quotidien Le Canadien fait sa une du 1er septembre 1884 avec le texte suivant, titré «L’arbre volière». Nous voici à Paris.

Au bois de Boulogne, à la fête de la Presse, on voyait, près du pavillon des commissaires, deux arbustes en pots, des plus minuscules, ornés de rubans sur lesquels perchaient des oiseaux de diverses espèces, des canaris, des rouges-gorges, des inséparables, etc.

On était en plein bois, à côté des grands arbres touffus; les oiseaux chantaient et voltigeaient de toutes parts, et cependant les canaris, les rouges-gorges, les inséparables restaient tranquillement sur les deux arbustes, sans souci des promeneurs et des jolies chansons que leur babillaient à loisir les oiseaux des bois.

On s’approchait, on essayait de faire peur; le canari changeait de branche, ou, si le promeneur devenait trop importun, il prenait son vol jusqu’au fourré voisin; puis, l’indiscret parti, il revenait sur son perchoir de prédilection.

On aurait dit que les oiseaux des deux arbustes étaient apprivoisés. Il n’en serait rien, selon le propriétaire des arbustes. M. Picard, après de longues recherches, aurait trouvé le moyen d’obliger un oiseau à rester indéfiniment sur le même arbre. L’oiseau est libre, mais il s’emprisonne volontairement; c’est l’arbuste qui le retient et le charme.

On sait, dit M. [Henri de] Parville, que certaines odeurs ont un attrait particulier pour plusieurs animaux. M. Picard aurait fini par trouver une essence avec laquelle il suffirait d’imprégner un rosier, un myrte, etc., pour attirer les oiseaux au point de leur faire perdre l’instinct de la liberté. Est-ce exact ?

Nous ne garantissons pas l’explication de M. Picard, mais le fait reste. On peut maintenant en guise de volière avoir chez soi des arbustes en fleurs, et toute une collection d’oiseaux rares qui n’essayent plus de se sauver par les fenêtres. Donnez à l’oiseau l’arbuste ensorcelé, et adieu au grand air, l’espace et la liberté ! Il y renonce en faveur de son arbuste favori. Magie !

Mais pourquoi les oiseaux libres ne s’empressent-ils pas d’accourir en foule, et de prendre ainsi possession de l’arbre charmeur ? L’expliquera qui pourra. S’il en était ainsi, quelles perspectives pour les chasseurs !

 

La photographie du Rougegorge familier (Erithacus rubecola) provient du guide d’identification Les Oiseaux, de Michael Lohmann, Belgique, Éditions Chantecler, 1993.

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