Le premier navire à vapeur sur le Saint-Laurent
Voici une belle pièce d’archives.
Le 25 mai 1881, le quotidien montréalais La Minerve a le génie de reproduire une lettre d’un citoyen de Laprairie, T. H. Brisson, qui nous raconte grâce à l’article du Quebec Mercury en 1809 les premières heures du premier navire à vapeur à naviguer sur le fleuve Saint-Laurent. Ce bateau est l’œuvre de l’entrepreneur montréalais d’origine écossaise John Molson.
Si l’on se reporte aux modestes débuts de la navigation à vapeur sur notre grand fleuve (1809), on ne peut que constater sans un sentiment de légitime fierté les proportions qu’elle prend de nos jours. Impossible aussi de songer à ce qu’elle sera dans cinquante ans, sans entrevoir des progrès nouveaux, et sans courir le risque d’être entraînés au pays des rêves.
Les bateaux à vapeur, encore à leur enfance, venaient de faire, successivement, leur apparition sur les eaux de la Seine (1803) et celle de l’Hudson (1807). Un citoyen entreprenant et dévoué, comme en possède encore le Canada, voulut assurer à son pays les bénéfices de la nouvelle invention. L’Honorable John Molson, de Montréal, fit bâtir à ses frais, en 1809, le premier de nos bateaux à vapeur et l’appela L’Accommodation. C’était le second construit en Amérique et même dans le monde entier, prétend-on.
Mercredi, le 1er novembre 1809, ce vaisseau quitta le quai Molson, à deux heures P. M., à destination de Québec où il arriva le samedi suivant à huit heures A. M. L’événement fit sensation dans la vieille cité de Champlain. Ses journalistes saluèrent cette arrivée avec autant d’empressement qu’ils déploient aujourd’hui de zèle à empêcher les vapeurs transatlantiques de remonter jusqu’à Montréal.
Voici en quels termes l’un d’eux annonça la grande nouvelle à ses lecteurs :
«Samedi matin, à 8 heures, est arrivé ici le steamboat Accommodation portant dix passagers. C’est le premier vaisseau de ce genre qui soit jamais apparu dans notre port. Il est continuellement rempli de visiteurs. Il a laissé Montréal mercredi à deux heures, de sorte que le voyage a duré soixante-six heures, dont trente passées à l’ancre. Il a atteint Trois-Rivières en vingt-quatre heures. Il a maintenant des cabines pour vingt passagers, et le nombre en sera considérablement augmenté l’année prochaine.
«Ni vent, ni marée ne peut l’arrêter. Il a soixante-quinze pieds de quille, et quatre-vingt-cinq de pont. Le prix du passage est de neuf piastres pour monter et de huit pour descendre, les provisions étant fournies à bord. Le grand avantage que présente un vaisseau ainsi construit est que l’on peut calculer le temps du voyage d’une manière à peu près certaine, ce qui n’est pas la même chose pour les vaisseaux à voiles.
«Le steamboat reçoit son impulsion d’une paire de roues à raies doubles et sans bandages, disposées perpendiculairement à l’extérieur et de chaque côté du vaisseau. À l’extrémité de chaque double raie est fixée une planche carrée qui enfonce dans l’eau et agit à la façon d’une rame par son mouvement rotatoire. Les roues sont mises et maintenues en mouvement au moyen de la vapeur agissant à l’intérieur du vaisseau. L’on doit aussi placer un mat sur ce vaisseau afin d’employer les voiles lorsque le vent est favorable, ce qui dans l’occasion accélérera la marche.» (The Quebec Mercury)
La gravure de l’Accommodation se trouve sur le site suivant.