Que des femmes !
Sous le titre «Un gouvernement féminin», La Tribune (Saint-Hyacinthe) du 22 mai 1896 nous propose un courte visite à Decatur, un village de l’État du Michigan, aux États-Unis.
Tout se voit en Amérique, même une ville de quinze cents habitants, où les rôles sont complètement renversés, et où la femme règne en souveraine absolue.
C’est la ville de Decatur, Michigan, qui réalise ainsi, surpasse même les rêves les plus insensés du fameux parti de l’égalité des sexes. Non seulement la femme domine; mais l’homme complètement relégué au second rang ne compte plus.
Le maire est une femme, Mme Alura Sage; les conseilleurs municipaux sont des femmes, et tous les emplois de la ville, à l’exception d’un seul, celui d’attrapeur de chiens, sont remplis par des femmes.
La direction du bureau de poste, qui est un emploi fédéral, est aussi confiée à une femme.
Voilà pour l’administration publique. Mais ce qu’il y a de plus curieux, c’est que dans la vie privée les rôles sont également renversés à Decatur. Ainsi c’est la révérende Anna Gregg qui remplit le rôle de clergyman au temple de l’Advent, dont Mme Barnett est le sacristain. Le plus important restaurant en ville est tenu par deux femmes, Mme Crawe et Mlle Haines; ce sont des femmes qui tiennent aussi les débits de boissons, où l’on ne vend, d’ailleurs, que des sirops et des eaux gazeuses. Le cordonnier est une femme du nom de Clara Hataling; le fabricant de meubles est Mlle May Percival; le sellier est Mlle Anna Pardnett; le charron est Mme Child.
Enfin, pour ne pas prolonger ces citations, ce sont encore des femmes qui sont entrepreneurs de pompes funèbres, croque-morts et fossoyeurs.
Ajoutons que les femmes de Decatur appartiennent presque toutes à une société secrète, ayant quelques rapports avec la franc-maçonnerie. Quant aux hommes, c’est tout au plus si l’on consent à les employer pour les travaux de ménage et pour soigner les enfants.