De quoi donc est fait l’espace ?
À la fin du 19e siècle, certains scientifiques ne peuvent vivre à l’aise, dirait-on, sans savoir quelles sont les composantes de l’espace. Du moins, c’est ce que laisse entendre ce court article du journal Le Canadien le 25 janvier 1889.
Les savants, en cherchant à s’expliquer la nature des grandes forces de la nature comme la chaleur, la lumière, l’électricité, ont eu besoin de concevoir une substance d’une ténuité extrême, remplissant tout l’espace et dont les vibrations transmettent au loin la puissance calorifique, lumineuse ou électrique. Cette matière a été appelée «l’Éther». C’est le véhicule hypothétique de la force dans l’univers.
Un Alsacien, savant éminent, un de ceux qui ont le plus contribué à fonder la théorie mécanique de la chaleur, M. [Gustave Adolphe] Hirn, vient de publier un ouvrage sur la «Constitution de l’espace planétaire», dans lequel il montre le néant de la conception de l’éther et démolit, par conséquent toutes les idées que l’on avait acquises sur la constitution des forces physiques.
Pour M. Hirn, l’éther n’existe pas. L’espace est vide et les forces n’auraient pas besoin de ce milieu pour se transmettre d’un point à un autre. L’agent de propagation de la chaleur et de la lumière serait une propriété dynamique de la matière, mais non une substance matérielle.
Les conséquences de ce fait seront considérables en physique naturelle et en astronomie. Il provoquera les discussions les plus vives et les plus passionnées. Il y aura des «éthoristes» et des «non-éthoristes», jusqu’à ce qu’un grand expérimentateur trouve le moyen de faire voir, avec les yeux de la science naturelle, ce que renferme l’espace, ce que nous cache la nature.
Ces discussions «les plus vives et les plus passionnées» ne sont finalement jamais venues.