Aimez-vous le retour dans la maison du début de l’automne ?
Moi, j’aime beaucoup. Jamais, il me semble, la maison prend tout son sens qu’à ce moment de la réintégrer. Le retour au domestique. Le temps maintenant d’allumer les lampes plus tôt, de penser à la douillette pas très loin. Et puis à un bon livre, la chatte ronronnant tout à côté.
Dans L’Album universel du 10 septembre 1904, le chroniqueur Léon d’Ornano chante ces débuts d’automne… mais vécus à l’extérieur.
À des journées relativement chaudes, succèdent déjà de fraîches soirées. L’automne nous surprend, tandis que nous commencions à nous faire à l’été. Dans les squares, le long des allées, au hasard des coups de vent, s’éparpillent des fouilles roussies par les premières gelées. Bientôt les claustrations forcées vont recommencer. Ce n’est pas que la vie d’intérieur nous déplaise, nous y sommes habitués dès le jeune âge, de par nos longs hivers; et tel souvenir du coin du feu, de lecture en famille, d’histoires de grand’mères, nous tient toute la vie, et non sans charme; mais le plein air est le milieu qui convient le mieux à l’homme, quand il peut y vivre dans le cadre d’une belle campagne.
Ceci est tellement vrai que, le dimanche, vous n’avez qu’à observer nos citadins lorsqu’ils reviennent en ville après une villégiature de quelques heures. Rares sont ceux qui ne rapportent pas des champs, des haies fleuries, ou d’un jardin aimé, quelques fleurs ou quelques baies. Gages d’amour qu’ils ont accepté de la nature généreuse.
Moi qui vous parle, — la vie a ainsi de ces pierres blanches pour marquer le chemin que nous y parcourons, — je me souviens de plusieurs bouquets cueillis en automne. Toujours ces dernières fleurs de l’année, ravies à des parterres familiers, ont eu à mes yeux une valeur spéciale, ont joui sans réserve de ma prédilection.
Ah ! les derniers bouquets d’automne, à vingt ans, qu’ils sont beaux ! On les odore le sourire aux lèvres, un refrain au cœur. Parfois on n’est pas seul à suivre les venelles préférées, et c’est tant mieux. C’est l’heure des ivresses qui vous font supporter le reste de la vie, quand on est honnête et fort. Devant les défaillances de la nature qui se dépouille de ses atours, on se sent pris d’attendrissement, et, jeune et galant, on fredonne alors aux oreilles d’une belle ces vers de Jacques Normand :
Voici l’automne renaissant,
L’automne aux teintes blondes :
Le vent plus frais passe en glissant
Sur tes épaules rondes.
C’est la saison du souvenir :
Souvenons-nous ma mie !
Surtout ne laissons pas venir
Le temps où l’on oublie.
L’illustration est celle d’une venelle dans le quartier Stadacona, à Québec.