Conseils à un amoureux
Jeune homme, avant de vous jeter tête première dans une relation amoureuse, voici ce que vous devez absolument savoir. La Gazette de Joliette du 17 septembre 1891 veut votre bien et reprend à la une les propos d’un journal américain à ce sujet.
Une jeune personne vous plaît à un titre quelconque, vous voudriez en faire votre femme, soyez de l’avis de son père en politique, de l’avis de sa mère en religion. Si vous avez un rival, ayez l’œil sur lui; s’il est veuf, observez-le des deux yeux.
Présentez-vous pour faire votre cour à une heure raisonnable de la soirée. Ni votre adorée, ni sa maman ne vous pardonnerait de les surprendre au milieu d’occupations prosaïques, dans les petits costumes du matin. N’attendez pas, pour quitter votre bien-aimée, qu’elle jette son âme entière dans un bâillement, si immense qu’elle ne peut le couvrir de ses deux mains mignonnes. Une petite chose comme celle-là jette au froid un commencement du «jeu».
Si vous vous assayez [sic] sur une tartine de confiture, déposée par le petit frère sur un fauteuil le jour où vous mettez votre pantalon clair pour la première fois, souriez doucement; dites que vous auriez dû réfléchir avant de vous asseoir et que les enfants sont les enfants.
Si, à votre première visite, la jeune fille que vous avez distinguée ressemble à un iceberg, si elle agit tranquillement et parle froidement (ce qui prouve qu’elle n’est pas troublée), prenez congé de bonne heure et restez éloigné pendant quelque temps. Revenez quand vous croirez qu’on peut être dégelée, s’être départie d’une réserve excessive.
Quand vous êtes définitivement agréé, n’exprimez pas vos sentiments dans un langage trop lyrique, trop enthousiaste. Que vous resterait-il à dire après le mariage ? N’écrivez pas de trop douces choses, les jeunes filles ont l’habitude de garder les lettres et, plus tard, quand on vous trouverait en contraction [sic] avec vous-même, on serait trop heureuse de vous le prouver.
Ne dites pas : ces petites mains de duchesse ne se livreront jamais à un travail grossier; c’est moi qui bûcherai, pour leur conserver leur blancheur de lis et leur épiderme de satin. Ces paroles s’inscrivent dans la mémoire des jeunes filles, et la jeune fille pourrait vous les répéter d’un ton sarcastique lorsqu’elle laverait la vaisselle et raccommoderait vos chaussettes.
Par les temps froids, souhaitez-lui une bonne nuit dans le salon, ne souffrez pas qu’elle vous accompagne jusqu’à la porte de la rue ou jusqu’à la grille. Vous seriez forcé d’exposer votre future femme à gagner un asthme, une bronchite, une névralgie, toutes maladies qui deviennent aisément chroniques, et que vous auriez à subir dans l’avenir, ce qui n’est jamais amusant pour un mari.
On est loin des rencontres d’un soir sans lendemain!
J’ai entendu l’expression « accrocher son fanal » pour parler d’un jeune homme qui courtise une jeune fille et aussi » venir les bons soirs ». Qu’étaient les bons soirs?
Ah, les « soirs de bonne veillée » ! Il faudrait que je vérifie, mais il me semble bien que c’est le mardi, le jeudi et le samedi. Je n’avais pas entendu « accrocher son fanal », mais c’est beau, je trouve.
« Accrocher son fanal » se disait aussi à Saint-Léon-de-Standon et l’expression allume encore des étincelles dans les yeux des aînés. C’etait avoir un pied dans la porte de la maison de la jolie courtisée. C’etait dire aux autres mâles « je suis là le premier, la place est prise, allez voir ailleurs ». Les déplacements en soirée en voiture à cheval exigeait un fanal pour éclairer la route et quand un gars allait voir sa douce, il accrochait le fanal à l’entrée de la maison et le reprenait en partant.
Beaucoup plus romantique que maintenant alors que le jeune, bien assis dans son auto au silencieux modifié pour faire plus de bruit, klaxonne pour prévenir la fille qu’il l’attend à la porte !
Ô, merci, chère Françoise ! Bien belle histoire !