Les machines du 19e siècle (seconde partie)
En route depuis hier, continuons d’accompagner Viator dans sa quête des découvertes et perfectionnements que le 19e siècle a apportés à l’humanité. L’article paraît dans La Patrie du 5 janvier 1900. Bilan du dernier siècle.
Auriez-vous d’aussi nombreux et d’aussi importants journaux, si l’imprimerie n’avait encore à sa disposition que la presse à bras sur laquelle une page seulement pouvait être tirée à chaque longue manœuvre de cet outil primitif ?
Combien de mois ne faudrait-il pas pour imprimer sur elle un numéro de La Patrie, avec un grand nombre de pages et ses quarante ou cinquante mille exemplaires ? Tandis qu’aujourd’hui, les presses à cylindres, les rotatives surtout, ces dévoreuses de papier, vous impriment, coupent et plient facilement vingt ou vingt-cinq mille exemplaires à l’heure.
Quand nos pères étaient pressés de communiquer avec un autre point de leur pays ou du monde et que les lenteurs de la diligence ne pouvaient satisfaire leurs exigences, ils faisaient transporter leurs messages par des courriers spéciaux, montés sur d’excellents chevaux qu’ils changeaient souvent. C’est ainsi que les souverains échangeaient une correspondance de laquelle sortait la paix ou la guerre, la ruine ou la prospérité.
Dès 1794, l’usage du télégraphe aérien amena une rapidité relativement grande dans la transmission des dépêches, mais le siècle dernier, avec son télégraphe électrique, fit disparaître les distances en permettant de communiquer avec les antipodes en quelques minutes. C’est à lui que nous devons, chers lecteurs, la possibilité de vous donner chaque après-midi les nouvelles importantes survenues au cours de la journée dans le monde entier.
Que de fatigues, que de lenteurs, causait l’usage de la plume d’oie que l’écrivain était obligé de tailler lui-même ! Que de lettres indéchiffrables n’a-t-elle pas tracées ? Le temps, c’est de l’argent. Ainsi le veut la vie moderne, et le commerce, notamment, a besoin d’employer des méthodes promptes et sûres. Aussi retire-t-il de grands profits de l’emploi de la machine à écrire, complétée par la sténographie. Par elles, la lettre, dictée par un chef d’établissement, est rapidement et proprement imprimée à une ou plusieurs exemplaires, dont la netteté ne laisse aucune prise aux interprétations erronées si nombreuses avec l’ancien mode de procéder.
Et, notez-le, la machine à écrire n’a pas dit son dernier mot.
La découverte de la pile électrique fut l’accomplissement d’un grand progrès. Par elle furent rendues possibles les plus importantes expériences et certaines lois de l’électricité purent être formulées. Cependant, les dépenses que nécessite son entretien, les dégradations rapides auxquelles elle est exposée, en restreignent forcément l’usage, sans en permettre l’application industrielle, sur une grande échelle du moins. La découverte des dynamos a rendu possible et pratique la transformation du mouvement en électricité, la production de quantité considérable de fluide et le transport à distance de la force destinée soit à nous éclairer, soit à actionner nos outils ou faire mouvoir tramways et autres véhicules.
Buffon estimait le cheval la plus noble conquête que l’homme ait jamais faite. Il avait raison, parlant en un temps où le coursier signifiait rapidité, force et grâce. Mais que dirait-il aujourd’hui de ces voitures actionnées mécaniquement que nous laisse le siècle fini avec la tâche de les perfectionner pour mieux les généraliser. Peut-être la grâce qui fut l’une des qualités du cheval ne s’y trouve-t-elle pas, mais en ces temps d’utilisation à outrance, quand l’on ne sait plus vivre tranquillement, faut-il regretter que la vitesse soit accomplie au détriment de la beauté ? En tous cas, les facilités procurées par l’automobile ne sauraient manquer d’être profitables à un siècle où la promptitude dans l’exécution sera la seule garantie de succès.
Voilà, succinctement, rappelées quelques-unes des merveilles à nous léguées par le XIXe siècle. Quels profits en tirerons-nous ? Quelles modifications heureuses saurons-nous leur apporter ? Je ne le sais pas, mais je ne puis m’empêcher d’espérer beaucoup du XXe siècle dans lequel nous entrons admirablement armés pour accomplir des merveilles, à la condition toutefois de ne pas nous laisser entraîner par l’orgueil et de travailler avec la même ardeur que nos devanciers ont mise dans leurs recherches du progrès.
Source de l’illustration : http://bibnum2.banq.qc.ca/bna/illustrations/detail/4282.jpg. Il s’agit d’une gravure du journal Le Monde illustré du 5 octobre 1907.