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Peut-on vraiment se remettre d’une peine d’amour ?

belle femme 27 juin 1906C’est le poète et conteur Louis-Joseph Doucet (1874-1959), né à Lanoraie, qui m’a mis sur la piste de ce texte. J’ignorais tout de l’écrivain français Henry Murger. Et, comme Doucet dans ses Contes du Vieux Temps, échappait les deux premières strophes, j’ai voulu retrouver l’intégralité du texte de Murger. Le voici. Le lisant, on ne peut s’empêcher de se demander s’il est vraiment possible de se remettre d’une peine d’amour.

 

 

 

Hier, en voyant une hirondelle

Qui nous ramenait le printemps,

Je me suis rappelé la belle

Qui m’aima quand elle eut le temps.

Et pendant toute la journée,

Pensif, je suis resté devant

Le vieil almanach de l’année

Où nous nous sommes aimés tant.

 

Non, ma jeunesse n’est pas morte,

Il n’est pas mort ton souvenir;

Et si tu frappais à ma porte,

Mon cœur, Musette, irait t’ouvrir.

Puisqu’à ton nom toujours il tremble —

Muse de l’infidélité, —

Reviens encore manger ensemble

Le pain bénit de la gaîté.

 

Les meubles de notre chambrette,

Ces vieux amis de notre amour,

Déjà prennent un air de fête

Au seul espoir de ton retour.

Viens, tu reconnaîtras, ma chère,

Tous ceux qu’en deuil mit ton départ,

Le petit lit et le grand verre

Où tu buvais souvent ma part.

 

Tu remettras ta robe blanche

Dont tu te parais autrefois,

Et, comme autrefois, le dimanche,

Nous irons courir dans les bois.

Assis le soir sous la tonnelle,

Nous boirons encor ce vin clair

Où ta chanson mouillait son aile

Avant de s’envoler dans l’air.

 

Musette qui s’est souvenue,

Le carnaval étant fini,

Un beau matin est revenue,

Oiseau volage, à l’ancien nid;

Mais en embrassant l’infidèle,

Mon cœur n’a plus senti d’émoi,

Et Musette, qui n’est plus elle,

Disait que je n’étais plus moi.

 

Adieu, va-t’en, chère adorée,

Bien morte avec l’amour dernier;

Notre jeunesse est enterrée

Au fond du vieux calendrier.

Ce n’est plus qu’en fouillant la cendre

Des beaux jours qu’il a contenus,

Qu’un souvenir pourra nous rendre

La clef des paradis perdus.

 

Extrait de l’ouvrage d’Henry Murger (1822-1861), Scènes de la vie de bohème, publié originellement en 1851, puis paru à Paris chez Calmann Lévy en 1880, dans une nouvelle édition entièrement revue et corrigée.

Voir aussi ce billet.

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