Skip to content

Paroles de cheval

J’aime beaucoup le cheval. Il me semble l’avoir dit à quelques reprises. Aussi, lorsque paraît un article sur cette belle bête qui accompagnait les gens des temps jadis, je n’hésite jamais à l’épingler sur ce site. Ici, l’hebdomadaire La Tribune, du 14 septembre 1894, rend hommage au cheval.

 

 

 

Nous regrettons d’ignorer le nom du brave homme qui a écrit les lignes suivantes, que nous découpons dans un bout de vieux journal. Elles prouvent que leur auteur avait bon cœur.

Si le cheval pouvait parler, voici ce qu’il dirait :

Quand il fait un froid de Sibérie, ne m’attachez pas à un poteau ou objet de fer, car la peau de ma langue m’est nécessaire.

Ne me laissez pas attaché la nuit dans un entre-deux dont le plancher est dangereux pour se coucher; car je suis attaché et incapable de choisir l’endroit où je me couche.

Ne me forcez pas à manger plus de sel que je n’en veux en en mettant dans mon avoine; je sais mieux que nul autre animal combien il m’en faut.

Ne croyez pas que, parce que je m’empresse sous le fouet, je ne me fatigue pas; vous vous trémousseriez autant que moi si l’on vous y contraignait à coups de fouet.

Ne vous figurez pas que, parce que je suis un cheval, je suis capable de manger des mauvaises herbes.

Ne me donnez pas des coups de fouet parce que j’ai eu peur de quelque chose le long de la route; car la fois suivante je m’en souviendrai et il pourrait vous arriver un malheur.

Ne me faites pas trotter en montant une côte, car je suis obligé de vous monter, vous et votre voiture, avec moi-même. Faites-en vous-même l’essai; essayez de monter une côte avec une lourde charge en courant.

Ne me laissez pas dans une écurie plongée dans les ténèbres, car quand vous m’en faites sortir, la lumière me fait mal à la vue, surtout quand la terre est recouverte de neige.

Ne dites pas whoa (arrête) à propos de rien. Ne me dites d’arrêter que quand je dois arrêter, et apprenez-moi à le faire au premier mot; si vos guides viennent à casser, vous ne vous repentirez peut-être pas de m’avoir appris à m’arrêter à la parole.

Ne me faites pas boire de l’eau glacée; ne me mettez pas dans la bouche un mors gelé, mais réchauffez-le en le tenant durant une minute collé sur mon corps.

N’oubliez pas de m’aiguiser les dents quand elles sont émoussées et que je ne suis plus capable de broyer mon fourrage; si vous me voyez maigrir sans en découvrir la cause, c’est probablement parce qu’il est nécessaire de m’aiguiser (affiler) les dents.

Ne me demandez pas de reculer en me bouchant les yeux car j’ai peur de le faire.

Ne me faites pas trotter en descendant une côte un peu raide, car, si quelque chose cassait, je pourrais à mon tour vous casser le cou.

Ne me mettez pas une bride dont les œillères me font mal à la tête, ou m’empêchent de voir en avant.

Ne soyez pas assez négligent au sujet de mon harnais que de ne vous occuper de le réparer seulement quand vous vous apercevrez qu’il m’a fait une douloureuse blessure.

Ne me prêtez pas à un écervelé qui ait moins d’esprit que moi-même.

N’oubliez pas qu’on lit dans un vieux livre ami de tous les opprimés :

«L’homme miséricordieux a de la miséricorde même pour sa bête.»

 

Le cheval blanc ci-haut est une création du sculpteur Robert Tremblay, des Éboulements, dans la région de Charlevoix.

No comments yet

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS