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Apprendre la vie en ville

Au 19e siècle, gagnant la ville, nous n’avions pas de petit manuel pour nous dire qu’il nous faudrait prendre en compte un certain nombre de problèmes, souvent inexistants à la campagne. Et, bien lentement, nous apprendrons.

À Montréal, par exemple, en 1900, la malpropreté des ruelles est incroyable. Et le Conseil d’hygiène de la province de Québec, l’ancêtre du ministère de la Santé, veut obliger les autorités municipales à agir. Aussi élabore-t-il tout un programme et demande aux journaux de le publiciser. Le journal La Patrie donne suite à sa demande le 10 mai 1899.

Le Conseil provincial d’Hygiène vient d’adopter la résolution suivante : « Attendu que l’état de malpropreté des rues et des ruelles de Montréal est notoire; et considérant que :

1) Que les rues et les ruelles sont encombrées non seulement de détritus accumulés dans les neiges pendant l’hiver, mais de ceux qu’on y a laissés l’automne dernier, ainsi que des papiers, balayures, etc., qu’on y jette constamment;

2) Que ces détritus, dont une grande partie sont des matières animales, polluent l’air, et par les gaz putrides qu’ils dégagent et par les poussières soulevées par le vent;

3) Que ces poussières animales putrides peuvent être la cause de diverses maladies et que, comme le dit Arnould dans son Traité d’hygiène : que l’absorption s’en fasse par l’estomac ou par le poumon, elles sont des poisons réels, merveilleusement aptes à altérer les propriétés du sang, et à compromettre les diverses fonctions de l’économie;

4) Que l’approche de la saison chaude augmentera encore les inconvénients actuellement subis;

5) Que les citoyens de Montréal sont à la merci des autorités municipales pour obtenir la protection à laquelle ils ont droit, contre ces dangers de la voirie;

résolu que le Conseil d’Hygiène de la province attire sérieusement l’attention du conseil de ville de Montréal sur les responsabilités qu’il encoure, en négligeant ou en ne faisant pas toute la diligence voulue pour le nettoyage des rues et des ruelles de la ville, lui enjoint de faire cesser cette nuisance, et lui recommande en même temps de prendre les mesures nécessaires, afin de rendre impossible pour l’avenir la répétition d’un état de choses aussi déplorable que celui qui existe depuis l’automne dernier.

Résolu : 1) Que la mise en pratique rigoureuse d’un règlement défendant de jeter dans les rues des papiers et balayures, comme la chose se fait constamment à Montréal, contribuerait très efficacement au maintien de leur propreté;

2) Que par suite de la tolérance dont la ville a fait preuve jusqu’ici, les familles font des ruelles de véritables dépotoirs, surtout à cette saison de l’année, pratique disgracieuse autant qu’éminemment dangereuse pour la santé des citoyens;

3) Que le curage des ruelles ne se fait pas d’une manière assez complète et, qu’en conséquence, il s’y fait des accumulations graduelles de détritus qui élèvent constamment le niveau de ces ruelles et en rendent le sol malsain;

4) Que le maintien des ruelles en état de propreté exigerait que le triage des vidanges par les chiffonniers ne fut pas toléré ailleurs qu’aux dépotoirs municipaux et jamais dans les ruelles ou les rues; que la ville adoptât ou exigeât l’emploi d’un réceptacle uniforme plus résistable que celui généralement en usage et adapté aux particularités du climat de Montréal; qu’une inspection systématique des ruelles et des cours fût organisée et mise en vigueur afin d’assurer l’exécution des règlements de propreté et de salubrité de la ville.

Résolu : que le meilleur moyen d’assainir les ruelles et de prévenir les accumulations permanentes qui s’y font graduellement serait de les paver toutes en asphalte, et, qu’en conséquence, l’administration municipale soit invitée à étudier les moyens d’y arriver progressivement. À titre d’information pour l’autorité municipale, qui est seule compétente à la considérer, le Conseil d’Hygiène lui transmet la suggestion suivante au sujet de ce pavages des ruelles :

a) À l’avenir, il ne serait pas permis d’ouvrir des ruelles sans qu’elles aient été pavées au préalable par les propriétaires en bordure d’icelles;

b) Chaque fois que les deux tiers des propriétaires en bordure d’une ruelle, qui est déjà ouverte, en feraient la demande, la ville entreprendrait de paver la dite ruelle aux frais des propriétaires, le remboursement à la ville se faisant au prorata par chaque propriétaire et en plusieurs paiements annuels;

c) Du moment qu’une ruelle serait pavée, elle deviendrait la propriété de la ville qui se chargerait pour l’avenir d’entretenir la pavage à ses frais.

 

Source de l’illustration : Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Fonds Lida Moser, Documents iconographiques, cote P728, S1, D1, P1-38. Cette photographie de Lida Moser d’une ruelle de Québec non identifiée, mais tout de même plus propre que les ruelles de 1900, fut prise en 1950. Manifestement, il s’agit ici de la ruelle des Ursulines dans le Vieux-Québec. Voici maintenant ce qu’est aujourd’hui ce bâtiment taudifié : le Petit Hôtel, au 3, ruelle des Ursulines.

6 commentaires Publier un commentaire
  1. Mildred. #

    Cher Monsieur Provencher, ma vie ressemble terriblement à la vôtre vous ne savez pas comment; je ne suis en bout de ligne, qu’une petite mémée qui cultive paisiblement son petit carré de balcon-jardin dans notre trop belle ville qui n’a rien changer dans sa législation de cotisation depuis un siècle.

    8 mai 2012
  2. Jean Provencher #

    Chère Mildred, j’espère que vous ne vous méprisez pas en écrivant ces mots : Je ne suis qu’une petite mémée qui cultive paisiblement son petit carré de balcon-jardin. Moi, je crois à cette si belle phrase de Lapérouse que vous allez retrouvée ci-haut dans la bande défilante sous la rubrique «La nature» : « Ne serait-il pas vrai que la vérité est souvent au milieu de nous, sans que nous nous en apercevions ? Philosophes à grandes vues, nous la cherchons dans les cieux, elle est assise à notre porte. » Pour moi, c’est synonyme aussi de: Ne serait-il pas vrai que le bonheur est souvent au milieu de nous, sans que nous nous en apercevions ? Philosophes à grandes vues, nous le cherchons dans les cieux, il est assis à notre porte.

    8 mai 2012
  3. Mildred. #

    Ne craignez rien , cher vous, j’adore ce que je suis.

    8 mai 2012
  4. Jean Provencher #

    Vous me rassurez tant !

    8 mai 2012
  5. Mildred. #

    C’était dans le post où vous m’avez écrit… »Quelle vie vous avez eue et vous avez, chère Mildred ! … »’et je vous répondais… »Cher Monsieur Provencher, ma vie ressemble terriblement à la vôtre vous ne savez pas comment. «  »
    Il n’y a rien d’autre à chercher, j »aime vous lire car vos posts sont remplis d’histoires pas si lointaines et qui peuplent encore nos conversations, nous venons de la même saison des idées et nos parcours sont parallèles.

    9 mai 2012
  6. Jean Provencher #

    Ce qui n’est vraiment désagréable, chère Vous. Bien au contraire.

    9 mai 2012

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