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Et vive le Vire-Crêpe !

Le printemps venu, invité à une partie de sucre, on ne se fait pas prier habituellement pour accourir. En voici une à Saint-Nicolas le 4 avril 1909. Le journal Le Soleil y fait écho le lendemain.

La concession Vire-Crêpe de la riche et coquette paroisse de Saint-Nicolas, dans le comté de Lévis, et la demeure hospitalière de M. Eugène Gosselin, ont retentit, hier, de longs et francs éclats de rire, de chants joyeux et de ravissantes harmonies.

Les employés de la maison A. Carrier & Fils y avaient organisé une partie de sucre qui restera légendaire par toutes les circonstances agréables qui l’ont entourée.

Aux premières heures du jour, plusieurs voitures quittaient Lévis, sous le soleil radieux d’une journée de printemps idéale et se dirigeaient vers [Saint-] Nicolas. […]

Après avoir assisté à l’office divin à St-Nicolas [après tout, c’est dimanche], les joyeux excursionnistes se dirigèrent vers le rang Vire-Crêpes, où les portes de l’hospitalière demeure de M. Eugène Gosselin leur furent largement ouvertes. […]

La réunion aurait manqué de charme si les dames n’y avaient apporté leur part de grâce souveraine.

L’aimable hôtesse, Mme Eugène Gosselin, était entourée d’une cour de gentilles personnes qui lui aidèrent à faire les honneurs, honneurs vraiment princiers, de son confortable logis, avec cette grâce exquise particulière à nos braves et jolies Canadiennes. […]

Après les premières effusions, les appétits, aiguisés par la longue course à travers les villages qui séparent Lévis de St-Nicolas, et surtout par les fumets des bonnes choses qui montaient du poêle ronronnant, purent être satisfaits.

Inutile de dire qu’on fit plus qu’honneur au plantureux repas préparé par Mme Gosselin et ses charmantes aides. On préparait un fond pour la tire et la trempette pendant qu’on allumait un feu à la cabane et que bientôt la sève mijotait dans les vastes récipients alimentés par quelque 1,200 érables géants. En attendant que tout fut à point, musique, chants et gigues endiablées trompèrent agréablement l’attente.

On s’arrachait à un charme pour en retrouver un autre.

Qui n’a éprouvé les émotions des mille et un incidents qui ne manquent jamais d’accompagner ces excursions toujours joyeuses, n’a jamais connu la joie franche et exubérante, le délicieux laisser aller d’une jeunesse, elle aussi pleine de vie. 

Qui n’a goûté la cordiale hospitalité de nos cultivateurs, n’a jamais goûté la bonne et franche hospitalité.

Et nous ne parlons pas des attraits de la forêt, à cette heure du réveil de la nature, nous ne parlons pas des douces caresses d’un soleil prodigue de sa chaleur et de sa lumière, ni des ravissantes mélodies des hôtes des bois; nous n’analyserons pas les rayons exquis d’un beau jaune doré que prend la sève avant de passer à l’état de cristaux et que l’on lèche goulement [sic] sur la palette, ce sont toutes là des choses délicieuses qui se goûtent mieux qu’elles ne se décrivent… ni encore de la douceur des mains qui retiennent les vôtres au moment du départ, ni des yeux pleins de caresses noirs et bleus, étoiles brillantes qui illuminent le retour et font rêver tout haut de ceux et surtout de celles que nous venons de quitter avec regret, mais que nous caressons le secret espoir de revoir : non, nous n’en parlerons pas, nous n’en finirions point.

Résumons en disant qu’il n’y avait qu’une supériorité que nous ne connaissions pas à St-Nicolas, celle de sa tire et de son sucre d’érable.

Voilà un journaliste qui a bien aimé sa journée dans le Vire-Crêpe ! Et ses « braves et jolies Canadiennes » !

 

J’ignore tout de ces bien belles dames apparaissant ci-haut. Durant les années 1970, une employée du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche me téléphone. Je n’ai pas retenu son nom, malheureusement. « Vous ne me connaissez pas. Je sais que vous êtes historien. Nous mettrons sous peu au rebut un certain nombre de photographies noir et blanc, de format 8’’ X 10 ‘’, qui ne nous seront plus utiles. Si la chose vous intéresse, passez les chercher. » J’accours.

Cette magnifique photographie, prise il y a donc une quarantaine d’années, faisait partie du lot. À l’endos, il y a la marque de deux tampons. Un premier de couleur noire : Gouvernement du Québec. Gracieusté de la Direction générale du tourisme. Courtesy of Tourist branch. Un «X» au stylo bleu fut apposé sur cette marque. La marque du second tampon, de couleur bleue, se lit : Sujet : [rien de mentionné]  Endroit : [rien de mentionné] Ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. No :  [aucun]    Photographe : Fred Klus. Mais le nom de Fred Klus est barré d’une trace de stylo bleu.

L’endos n’est pas plus bavard. Mais je suis fort heureux que cette image trouve maintenant sa place sur la grande Toile.

Puis-je ? Ne jetez pas de pareilles photographies, beaux instants de vie, s’il s’en trouve dans vos papiers de famille. Trouvez le moyen de les transmettre à quelqu’un qui vous est proche et s’assurerait qu’elles soient protégées. Pour la beauté du Monde.

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