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Des pilotes fiables, bien portants

Nous voilà au début de mars. Bientôt, la navigation reprendra. On ne badine pas avec la santé des loups de mer. Il est de la première importance que les pilotes de navires âgés soient en très bonne forme. L’heure est aux examens médicaux.

Le 10 mars 1899, le correspondant de La Patrie à Québec nous informe des résultats.

Les pilotes qui sont âgés de plus de 65 ans ont subi hier au Bureau des Commissaires du Havre l’examen de rigueur pour constater si les organes de la vue et de l’ouïe sont encore chez eux dans des conditions qui leur permettent de distinguer et d’entendre clairement jusqu’à une certaine distance en mer.

Ils ont d’abord été examinés soigneusement par le Dr Beaupré, un spécialiste pour les yeux et les oreilles, et ensuite ils ont eu à prouver aux Commissaires du Havre par un examen assez minutieux sur les connaissances de rigueur en fait de pilotage, que leur mémoire ne faisait pas défaut.

Les pilotes, qui se sont présentés pour subir cet examen de compétence physique et intellectuelle, étaient au nombre de 9 et tous les neuf ont prouvé à la satisfaction de la Commission du havre que l’âge n’avait pas encore affecté leurs facultés : c’étaient MM. Antoine Gobeil, Charles Brown, Paul Tanguay, Joseph Pouliot, David Damour, Chas. Vézina, A. Lachance, Joseph Gravel et Jos. Lachance.

Questionnons tout de même un peu ce texte. Ne laissons pas l’oiseau partir tout de suite avec le fromage. Pour ce faire, remettons-nous en au grand spécialiste de l’histoire du pilotage sur le fleuve Saint-Laurent, Jean Leclerc, qui a beaucoup travaillé sur le sujet. J’attrape un de ses riches ouvrages, Les pilotes du Saint-Laurent, 1762-1960, L’organisation du pilotage en aval du havre de Québec (Québec, Éditions GID, 2004), un pavé  de plus de 850 pages. En 1895, on retrouve 135 pilotes brevetés et apprentis, membres de la Corporation des pilotes du havre de Québec et au-dessous, la CPHQ. En 1897, ils sont 132; 1900, 120; 1904, 125; 1910, 84.

Pour aspirer à être pilote, il faut avoir de 15 à 29 ans, «une bonne réputation quant à la sobriété et l’honnêteté», une capacité de lire et d’écrire, et devoir passer un examen devant un oculiste et un spécialiste de l’ouïe, choisis par les commissaires « relativement à la vue, à sa perception des couleurs et à sa capacité auditive ». L’espérant doit connaître un navire, établir sa position sur la carte, comprendre la déviation du compas, savoir les signaux en usage selon les lois de la navigation, et démontrer sa connaissance des eaux navigables.

En 1898, la moyenne d’âge des 130 pilotes actifs, en aval de Québec, est de 49 ans. Et ça ne fait pas nécessairement mourir son homme. Le 5 août 1898, le doyen des pilotes, Jérémie Dufresne, âgé de 82 ans, est mis à la retraite, après 49 ans de service.

En 1901, l’examen des pilotes mentionné ici devient obligatoire pour tout le monde : les aspirants pilotes, les candidats au brevet de pilote et les pilotes actifs, même ceux de moins de 65 ans. En 1904, le revenu annuel moyen d’un pilote est de 820$.

Voyons s’il est possible de retrouver dans l’ouvrage de l’historien ces neuf pilotes mentionnés dans l’article de La Patrie du 10 mars 1899. Certains peuvent-ils être ceux-ci ? En 1899, justement, un Joseph Pouliot, de Saint-Jean de l’île d’Orléans, admis à la profession en 1853, est renvoyé du service actif par les commissaires, étant « incapable de remplir ses fonctions de pilote à cause du mauvais état de sa vue ». Depuis 1895, écrit Leclerc, il avait été déclaré malade pendant toutes les saisons de navigation. La Corporation des pilotes conteste sans succès la décision et Pouliot est mis à sa pension le 10 avril 1902.

Le 19 juillet 1899, un certain Joseph Pépin, dit Lachance, 65 ans, de Québec, est mis à la retraite.

Le 29 mai 1883, Charles Vézina, pilote de Saint-Michel-de-Bellechasse passe un contrat d’apprentissage avec la Corporation des pilotes, s’engageant à prendre son fils comme apprenti pour lui montrer le métier de pilote. L’apprentissage dure sept ans alors; le jeune Vézina termine donc sa formation en 1890 et reçoit son brevet de pilote neuf ans plus tard, le 17 mai 1899.

P. S. À voir tous ces loups de mer qu’on doit à un moment donné mettre à la retraite parce que vénérables, il faut les croire vraiment attachés à la mer.

 

Après avoir lu cet article, Monsieur Jean Cloutier, pilote du Bas Saint-Laurent, me demande le nom du navire apparaissant ci-haut. Je dois lui répondre que, malheureusement, l’arrière de cette image achetée dans une boutique est absolument muet. Monsieur Cloutier part à la chasse et me revient quelques heures plus tard avec cette réponse et une image de ce navire «maquillé» pour la Première Guerre. J’ai fait une petite recherche et je crois que c’est le CGS CARTIER avant sa transformation pour la première guerre où il est devenu le HMCS CARTIER. Le pont inférieur aurait été fermé de l’avant jusqu’à l’arrière pour l’occasion. Sur la photo du CARTIER, au dessus de la timonerie, la partie blanche, n’est que de la toile recouvrant les gardes métalliques.

Je lui demande alors comment il s’y était pris et il me répond : Premièrement, je n’avais aucune idée du nom de votre navire, mais par différents détails, je pouvais supposer qu’il datait des années 1900 et de plus sa petite figure de proue laissait entrevoir comme un drapeau qui me semblait plus gouvernemental que compagnie privée. Ce n’était pas un navire de guerre et de toute façon notre Navy Canadienne a eu 100 ans l’année dernière. J’ai quand même vérifié sur un site internet de la Navy, car au début, les navires du gouvernement et de la Navy étaient sensiblement les mêmes et \ou il y avait des échanges entre les deux départements. Donc sur le site www.readyayeready.com <http://www.readyayeready.com> nous pouvons trouver tous les bateaux de la marine canadienne et c’est là que j’ai trouvé le HMCS CARTIER.

Hé, merci beaucoup, Monsieur Cloutier. Voici donc la photographie du navire «maquillé» pour la guerre et l’adresse où vous en saurez davantage à son sujet.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Yolande Gobeil #

    Bonjour! Merci pour cet article intéressant sur les pilotes maritimes au XIXe siècle.

    Mon arrière-grand-père, Antoine Gobeil, fut déclaré apte au service dans le rapport du 10 mars 1899, à l’âge avancé de soixante-douze ans. Malheureusement, il décéda le 12 août 1899, soit quelques mois plus tard…la cause n’a pas été spécifiée dans l’acte de sépulture…

    Une petite curiosité que je tenais à partager avec vous…au plaisir!

    Yolande Gobeil, arrière petite fille du pilote maritime Antoine Gobeil 1827-1899.

    14 septembre 2012
  2. Jean Provencher #

    Ô, merci beaucoup, Madame Gobeil, d’avoir pris la peine de nous faire partager à toutes et tous ce renseignement sur votre cher Antoine.

    Salutations cordiales.

    15 septembre 2012

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