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« La ville couverte de grésil »

… titre en première page La Patrie du 11 mars 1901. En effet, à quelques jours de l’arrivée officielle du printemps, une bonne tempête frappe le Kentucky, l’Indiana et le Michigan, et la voici qui cogne le Québec le 10 mars.

Depuis hier soir, le grésil n’a cessé de tomber sur Montréal, avec une abondance telle que, ce matin, le sol en était recouvert d’une couche épaisse, que fils et branches d’arbres pliaient et cédaient, parfois, sous le poids du givre.

La circulation était très difficile : les tramways ne pouvant se frayer facilement un passage dans cette couche résistante, le pouvoir devenait insuffisant; de plus, le contact entre roues et rails s’établissait mal, le courant se trouvait interrompu, aussi des groupes de 8 et 10 voitures restaient en panne à certains points du parcours. Un tramway d’Amherst, passé vers 6 heures, rue St-Denis, se trouvait encore à l’angle des rues St-Laurent et Mont-Royal à 7.20 heures. Il n’a dû arriver en ville que vers 9 heures.

Une interminable procession d’ouvriers et d’employés maugréant contre la tempête se dirigeaient vers le bas de la ville; aucune usine, aucun bureau n’ont pu ouvrir à l’heure habituelle, faute de personnel.

Des équipes d’ouvriers étaient, vers 7 ½ heures, occupées à dégager les rails de la voie montante de la ligne St-Laurent; il leur fallait enlever la couche de grésil et de glace pouce par pouce et de longues heures seront nécessaires pour assurer la liberté du parcours. […]

À midi, Montréal se trouve encore presque isolée; le Board of Trade n’a reçu aucune dépêche, ni des centres américains, ni des marchés européens.

La circulation des tramways reprend, mais bien lentement et avec beaucoup de peine. Dans beaucoup de rues, on n’a pu dégager qu’une voie et il a fallu se contenter d’y établir un va et vient.

Un de nos amis nous dit qu’il a été témoin d’un fait qui prouve combien était épaisse et consistante la couche gelée, qui recouvrait le sol. Une balayeuse mécanique mise en opération sur la rue Ste-Catherine pour nettoyer la voie a été, à un moment donné, immobilisée; elle restait en place comme si elle avait été fixée aux rails.

 

Mais qu’on se rassure. Cela ne dure qu’un temps. La Patrie du 13 mars annonce « Le soleil revient. Les ennuis occasionnés par la tempête d’avant-hier fuient devant la radieuse apparition. »

Si jamais proverbe a dit la vérité, c’est bien celui-là, aujourd’hui, du moins.

Après avoir subi une furieuse tempête, été battue par un violent ouragan, inondée par un dégel prononcé, notre bonne ville s’est réveillée ce matin toute ensoleillée.

Pas un nuage n’altérait la teinte pure du ciel, pas une ombre n’atténuait les rayons de l’astre roi.

Aussi, personne ne songeait aux misères d’hier; personne ne se rappelait les longues courses, rendues plus pénible par la couche mouvante recouvrant le sol dans laquelle on enfonçait lourdement; les désespérantes heures d’attente au coin des rues, le désarroi causé par l’interruption du service des p’tits chars étaient oubliés.

La gaité envahissait les cœurs, car tout disait l’approche du printemps.

Plus d’un homme d’affaires s’est joyeusement frotté les mains en recevant une dépêche désirée — la première depuis plusieurs jours; les ouvriers se trouvaient heureux de pouvoir gagner l’atelier à l’heure prescrite et, sans grand mal, grâce au rétablissement de la circulation des tramways.

Maintenant, tout fonctionne à peu près — chaque heure apporte des améliorations —; les chemins de fer marchent presque régulièrement, le téléphone répond à presque tous les appels, le télégraphe communique avec presque toutes les stations.

Cependant, la médaille a un revers : le soleil amollit les glaçons accumulés sur les toits et pendus aux corniches; les passants sont exposés à les recevoir sur la tête.

Et puis toute joie terrestre est de courte durée : le temps redevient gris et l’on nous annonce de la neige pour cette nuit.

Météorologistes de tous les pays, unissez-vous et gagnez la vallée du Saint-Laurent. Dans notre pays, le Québec, où la caractéristique première du climat est d’être imprévisible, vous aurez amplement matière à vous livrer à vos talents de devins. Venez vous essayer, vous faire les dents à votre tour, après tous les autres qui sont déjà là. C’est le paradis pour des gens comme vous. Vous découvrirez même, certains jours, qu’il y a autant de climats que de régions. Le 11 mars 1901, à l’heure où Montréal plie les genoux sous le verglas, la ville de Québec, à 250 kilomètres plus à l’est, reçoit la grande cantatrice Emma Albani dans une formidable tempête de neige. Allez, on vous attend ! Vous trouverez grand bonheur à votre métier.

La gravure ci-haut apparaît en première page de La Patrie du 11 mars 1901.

Les jours s’égrènent, les mois passent, les années même. Permettez que je remercie enfin Paul Poirier, Julie Bélanger et Hélène Ranger pour leur grande amabilité et leur serviabilité à chaque fois que je retourne dans ma caverne à microfilms à la Bibliothèque Léon-Pamphile Le May, sur la colline parlementaire, à Québec, pour poursuivre ma longue quête d’informations sur les quatre saisons en 1900. Ce sont des anges. Et ils nous sont essentiels à nous toutes et tous à la table de ce site interactif.

Un commentaire Publier un commentaire
  1. Nicole D. #

    Cet article me rassure encore une fois sur le climat. Plus ça change, plus c’est pareil ! Faut se le rappeler à l’occasion. Pourtant cet hiver a été assez particulier. À Jonquière, ils ont eu énormément de neige. Tandis qu’en Montérégie quasiment rien. Le ski de fond et la raquette ont pris congé.

    15 mars 2012

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