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Un jeune Québécois séjourne à Fort McLeod, en Alberta

L’endroit, près de la frontière avec les États-Unis se trouvent à 170 kilomètres au sud de Calgary et à 50 kilomètres à l’ouest de Lethbridge.

La Gendarmerie à cheval y établit un premier poste de police en 1874, au cœur d’une petite population qui vit d’agriculture et d’élevage bovin.

Un jeune québécois de Québec, J. B. Bélanger, y séjourne comme volontaire militaire. Il écrit à ses parents en 1885.

Chers parents,

Votre lettre du 5 courant m’est parvenue hier, après avoir retardé quelque temps à Winnipeg ou à Calgary, car nous n’avons ici la malle qu’une fois la semaine. Je suis heureux d’apprendre que vous ne m’oubliez pas dans vos excellentes prières ; soyez certains que vous serez exaucés et que la Ste Vierge me ramènera sain et sauf au milieu de vous.

Comme vous l’avez appris déjà, je suis à Fort McLeod depuis le 6 mai avec mes compagnons de la compagnie No. 8, qui a été fondue avec les compagnies No. 1 et 2.

Ici nous sommes  très bien relativement à ce que nous avons été depuis notre départ de Québec. Nous couchons sur des matelas, étendus par terre, ce qui est maintenant un luxe pour nous. La nourriture ressemble beaucoup à celle des séminaires par sa monotonie et la manière dont les mets sont apprêtés ; Mais au moyen d’une petite contribution et grâce à la bonne volonté du cuisinier, nous avons pu, un groupe d’amis, organiser un mess, ce qui nous permet de faire presque toujours un bon repas.

Comme nous devons séjourner ici probablement plusieurs mois, il vous fera peut-être plaisir d’avoir quelques renseignements sur McLeod. Ce village est divisé en deux parties : l’ancien et le nouveau, celui-ci est à un demi mille du premier et ne compte que dix-huit mois d’existence. La population est d’environ cinq cents âmes, composée de blancs, de métis et de sauvages.

Au nord, coule la rivière Old Man. À l’ouest on aperçoit à une distance de trente à quarante milles les Montagnes Rocheuses, dont les cimes se dessinent dans le firmament, sous les formes les plus variées. Les baraques occupent la partie sud-ouest du nouveau village, une superficie d’environ trente arpents carrés.

La population Indienne de Fort McLeod appartient à la tribu des Pieds Noirs. Ces sauvages sont vêtus de la manière la plus burlesque, les hommes à la manière des femmes ; de sorte qu’il est assez difficile de distinguer de derrière les hommes qui n’ont pas un seul poil de barbe. Le mois de mai pour eux est le mois des médecines ; en conséquence, ils passent les nuits entières à jouer de la tambourine, à chanter, à préparer des médicaments pour le reste de l’année, à boire le thé.

On les dit fort enclins au mal. Depuis deux ou trois jours, il paraissent un peu excités, on en voit rôder autour du fort montés sur de rapides chevaux et armés de carabines ; peut-être pensent-ils se mettre du côté des rebelles [les Métis]. Dans ce cas, nous aurions le plaisir d’aller au feu. Ce soir, la garde sera doublée par prudence.

Pour des soldats, nous passons notre temps assez agréablement. Nous avons accès à la salle de lecture de la Police à cheval, où se trouvent les principaux journaux du Dominion. La salle de billards est aussi à notre disposition.

Je ne puis dire que nous nous ennuyons, malgré l’immense désir que nous avons de revoir Québec le plus tôt possible. Chacun de nous s’accorde à dire que ce n’est pas pour cinq cents piastres qu’il aurait voulu manquer l’occasion de faire un aussi beau voyage. Car autrement, jamais nous n’aurions pu visiter le Far West dont nous entendons parler si souvent et dont les romanciers font tant de descriptions. Au revoir, chers parents, la malle part dans un instant. Je suis très bien, et, pour le moins, une fois plus robuste que je l’étais à mon départ de Québec.

Je demeure pour la vie,

Votre fils dévoué,

J. B. BÉLANGER.

 

Le Canadien (Québec), 6 juin 1885.

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