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L’enterrement des morts au début du 19e siècle

Auguste Béchard, qui signait A. B., fut chroniqueur dans plusieurs journaux québécois à la fin du 19e siècle.

Ici, à Saint-Augustin-de-Desmaures, en banlieue de Québec, il rencontre Jacques Jobin, « jeune avec ses 78 ans », qui lui raconte ce que son grand-père lui avait confié « au sujet des enterrements et des cérémonies qui les précédaient et les accompagnaient ».

« Monsieur, les gens n’étaient pas tous riches, et puis on n’était pas aussi fiers qu’aujourd’hui. À c’te heure, on fait des enterrements si beaux que c’est quasiment un plaisir de mourir ; mais, dans l’ancien temps, c’était bien triste, allez ! Ç’avait l’air de la mort tout de bon.

« D’abord, on veillait le mort ou la morte deux jours et deux nuits sans arrêter, et, à chaque demi-heure, on disait le chapelet pour le défunt ou la défunte […].

« Mais c’était pas tout : il fallait mettre le corps dans quelque chose pour le porter à l’église.

 « Dans les premiers temps, il n’y avait pas de planche, dans la paroisse ; il y avait bien du bois pour en faire, mais les moulins à scier manquaient. […]

« On faisait pour cercueil, du tronc d’un arbre taillé à coups de hache, une espèce de boîte brute en forme d’auge, et puis on mettait le corps là-dedans, pour le porter en terre.

« Plus tard, quand il y eut de la planche, on faisait des cercueils ; mais on ne les clouait jamais dans la maison : c’était sur le seuil de la porte du mort ou de la morte que les clous se mettaient.

« Dans ce temps-là, on ne se servait jamais de chevaux pour porter les morts à l’église : on devait le porter à bras d’hommes se relevant de distance en distance, et il y avait des morts qui venaient de trois lieues de l’église : c’était pas une p’tite affaire, allez ! surtout quand le corps était pesant puis quand il y avait de la neige jusqu’aux genoux. Mais ça se faisait, et on n’en mourait pas.

« C’te coutume-là s’est conservée jusqu’après M. Lefrançois (curé retiré en 1848) : il disait, lui, que ça avait l’air plus frères de porter son frère en terre, et j’crée bin qu’il avait raison. Le curé, voyez-vous, c’est le premier dans la paroisse, et il faut bin lui obéir, puisque c’est comme ça. S’il se trompe, eh ! bin, c’est pas notre affaire et tant pis pour lui. Nous autres, j’avons été accoutumés comme ça ; quand monsieur le curé nous dit de faire quelque chose, on l’fait, puis tout est dit.

« Voilà, Monsieur comme on enterrait dans l’ancien temps. »

A. B.

 

 La Patrie (Montréal), 8 avril 1893.

La photographie montre une partie du cimetière de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier.

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