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Relire le médecin chirurgien et neurobiologiste Henri Laborit (1914-1995) aujourd’hui permet de constater qu’il avait déjà identifié certains parcours que nous dénonçons maintenant

Je ne sais dans votre coin du monde, mais ici, au Québec, de plus en plus de personnes se posent des questions sur les études avancées, celles des collèges d’enseignement général et professionnel ( les cégeps) ou les universités.

Où allons-nous ? Sommes-nous en train de former nos enfants, de concert avec les employeurs bien  sûr, pour le marché du travail exclusivement ? Ou nous préoccupons-nous plutôt de les rendre encore plus imaginatifs, audacieux et créateurs ?

Retournons lire Laborit en 1974, voilà donc 44 ans passés.

[…] ce n’est pas être révolutionnaire que de mettre l’enfant le plus tôt possible au contact du monde du travail professionnel. La « contemplation de l’homme au travail » n’émeut pas mon  affectivité, elle n’entraîne pas de ma part une admiration béate. « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. » La transpiration ne m’a jamais paru une finalité très réjouissante pour l’homme.

D’ailleurs, il faut pour la faire accepter créer un réel mouvement d’opinion et même de réalisme socialiste nous montrant un beau gars et une belle fille se tenant par la main, une gerbe d’épis dorés sur l’épaule, suivant une route qui s’affine vers l’horizon, l’horizon socialiste évidemment, ne m’a jamais fait frémir d’un frisson esthétique. Je serais plutôt tenter de croire que « les lys des champs ne filent, ni ne tissent »… […]

Je crois en définitive qu’Yvan Illich [un penseur populaire durant les années 1970, en qui plusieurs mettaient leur foi] n’est nullement révolutionnaire en proposant d’inscrire plus tôt l’enfant dans le processus de production pour qu’il en tire un exemple du réel. Je suis persuadé que les capitalistes anglais de la révolution industrielle, de même que nos capitalistes modernes, accepteraient assez volontiers cette opinion. […]

Par contre, ce qui m’intéresse, c’est une réalité nouvelle dans la conscience que nous en avons : l’homme est un animal, le seul, qui sache traiter l’information et en créer grâce à son cerveau associatif. C’est cela qu’il faut non seulement protéger de tous les apprentissages automatiques, de tous les réflexes conditionnés, mais que nous devons avant tout favoriser.

Il est vrai que Laborit est de son temps, que nous sommes rendus plus loin aujourd’hui, que nous avons découvert et découvrons en ce moment que beaucoup d’êtres vivants, de la plante à l’humain, savent traiter l’information, l’éthologie (comment fonctionnent les organismes vivants dans leur milieu naturel et quels sont leurs comportements) s’étant beaucoup développée. Mais il n’empêche qu’à cette époque, en 1974, la réflexion de Laborit tenait de la sagesse.

 

Henri Laborit, La Nouvelle Grille, Pour décoder le message humain, Paris, Éditions Robert Laffont, 1974, p. 299s.

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