Skip to content

L’hiver québécois est toujours de tous les temps

À Montréal, on s’en tire assez bien.

Les malades, les amoureux, les fabricants de sucre d’érable, les modistes e autres capricieux soupirant après le printemps ont eu hier une joie fugitive — c’est le temps de le dire — comme un torrent.

Le ciel a fait la leçon à nos échevins qui s’obstinaient à refuser les fonds nécessaires à l’enlèvement de la neige des rues, et a ouvert ses écluses pour faire un petit nettoyage de notre ville. Il n’est en somme tombé que deux pouces et demi d’eau, mais sur la neige accumulée, cette eau a eu un résultat monstre. La plupart des rues qui n’étaient pas encombrées plus que de raison sont aujourd’hui déblayées, les trottoirs sont littéralement lavés, la pluie a enlevé toute la neige et beaucoup de terre aussi des côtes et pentes, enfin la besogne a été bien faite.

Et, pour tout prix, la frayeur réelle d’une inondation, du pataugement immense dans les flaques, quelques caves inondées, des milliers de pieds mouillés et des centaines de rhumes : nos grands et petits voyers auraient sûrement payé plus cher s’ils s’étaient chargé de ce lavage.

Les ouvriers de la voirie n’ont cependant pas manquer d’aider la nature. Dès le commencement de la pluie, samedi, de tous les points de la ville arrivaient des téléphones au secrétaire de la voirie qui transférait les alarmes aux deux usines du département, rue McCord et rue de Lorimier. Deux cents hommes ont été employés jour et nuit, depuis samedi matin, à creuser des rigoles, à détourner les courants et à ouvrir et maintenir libres les bouches d’égout. […]

Vers minuit, la pluie a peu à peu cessé, et la neige s’est mise de la partie et ça allait évidemment devenir larmoyant lorsque le vent a chassé les nuages pluvieux et neigeux et a commencé à éponger énergiquement la terre.

Aujourd’hui, il fait plutôt froid ; les rues sont asséchées ; le printemps, qui semblait avoir pris le mors aux dents, a été arrêté ; enfin, devront recommencer à soupirer après la verdure les malades, les amoureux, les fabricants de sucre d’érable et les modistes et autres capricieux…… […]

À Saint-Hyacinthe, la pluie et la fonte des neiges ont transformé la Yamaska en un véritable fleuve qui a débordé, au grand préjudice des quartiers de la basse ville. Les occupants des maisons qui bordent la rivière furent contraints de fuir devant l’eau envahissante ou de monter au deuxième étage. Un bon  nombre de maisons sont inondées ainsi que la fonderie de MM. Dussault et Lamoureux. La scierie de M. L. P. Morin est arrêtée, les roues étant inondées. Il en est de même des pouvoirs hydrauliques et de la boutique de MM. Hudon et Allard.

À Sherbrooke, il a plu abondamment presque toute la journée de dimanche. Les rivières Saint-François et Magog sont gonflées. Nous sommes menacés d’une inondation. Les eaux du Saint-François ont envahi les environs de l’usine Jenckes et débordent du côté de Shrebrooke-Est. Les glaces se sont amoncelées dans les estacades de Brompton Falls et ont causé une crue subite des eaux.

Hier soir, les éclairs et le roulement de tonnerre se succédaient sans interruption du côté de Cookshire. Les anciens ne se rappellent pas avoir été témoins d’orages à cette époque de l’année. Presque toute la neige est disparue. Les chemins sont dans un état affreux. Les travaux dans les chantiers, inopinément suspendus, seront cause que beaucoup d’entrepreneurs ne pourront conduire aux rivières tout le bois qu’ils avaient fait bûcher.

Ce matin, la température tend à se refroidir. Il tombe un peu de neige. […]

 

La Patrie (Montréal), 3 mars 1902.

No comments yet

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS