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La Saint-Valentin n’est plus ce qu’elle était

En 1892, Françoise, de son vrai nom Robertine Barry, la première femme journaliste québécoise de langue française, nous parle de cette tradition arrivée ici d’Angleterre.

C’était hier la Saint-Valentin.

Jadis, au temps de nos mères, c’était un jour dont l’aurore était vivement désirée et qui faisait battre bien des cœurs.

L’arrivée du facteur était guettée à tous les coins des rideaux et ce n’était pas une sinécure cette journée-là que le service des malles.

Les valentins arrivaient frais et pimpants avec leurs allégories, leurs tendres déclarations. Grande était l’excitation, vive était la curiosité. Cependant, en dépit de l’anonyme du nom de saint Valentin derrière lequel se cachaient les galants, on savait bien à quoi s’en tenir.

Maintenant, c’est à peine si on se souvient quelle fête cette date nous ramène et il n’est guère que les petits gamins qui vont acheter pour un sou de méchantes caricatures dont ils font leurs délices.

Il est pour le moins singulier que ce soit en Angleterre que cette coutume d’envoyer des valentins la quatorze février ait commencé.

Pourquoi le quatorze février ? Pourquoi la protection spéciale d’un saint de l’église ?

Un saint dans les affaires de cœur des enfants de la blonde Albion ! on ne voit pas trop ce que le pauvre évêque martyr est allé faire dans cette galère.

Quoiqu’il en soit, la semaine des valentins était le carnaval de la jeunesse anglaise et, le 14 février, les valentins pleuvaient dans les trois royaumes.

La mode s’étendit bientôt dans les autres pays, mais la Grande-Bretagne ne s’est jamais laissée vaincre sur le nombre et la variété de ses valentins.

Les anciens Magazines anglais fourmillent de nouvelles, d’historiettes à leur sujet.

Dans l’une, c’est une blonde miss plongée dans le plus affreux désespoir parce qu’elle n’a pas reçu ce valentine, signe certain de bonheur futur.

Dans l’autre, après avoir expérimenté les angoisses les plus cruelles de l’attente, l’héroïne recevait enfin ce gage assuré de l’amour qui devait mettre fin à ses tourments.

Enfin, partout et toujours les mêmes vieilles redites qui font, sans doute, que maintenant, pour y infuser un sang nouveau, pour qu’on y lise quelque chose qui n’a pas été rabâché des milliers de fois, on écrit quelquefois tant de sottises.

 

La Patrie (Montréal), 15 février 1892.

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