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Henry David Thoreau aimait beaucoup observer l’Écureuil roux

Le philosophe, naturaliste et poète séjourne alors au lac Walden, dans le Massachusetts, bien sûr.

D’habitude, l’écureuil roux (Sciurus hudsonius) me réveillait à l’aube en galopant sur le toit et en montant et descendant les murs de la maison, comme s’il avait été envoyé exprès hors des bois pour me tirer du sommeil. Au cours de l’hiver, je jetai dehors un demi-boisseau d’épis de maïs doux qui n’avaient pas mûri, sur la neige croûtée à côté de ma porte, et je m’amusais à regarder les mouvements des divers animaux ainsi appâtés.

Au crépuscule et pendant la nuit, les lapins [probablement des lièvres plutôt] venaient régulièrement se régaler. Toute la journée, les écureuils roux allaient et venaient, et leurs manigances me procuraient beaucoup de plaisir. L’un d’eux s’approchait d’abord avec prudence à travers les chênes nains, en effectuant de brèves courses saccadées, sur la neige croûtée, telle une feuille emportée par le vent, tantôt quelques pas dans une direction, avec une vitesse et une dépense d’énergie merveilleuses, progressant incroyablement vite sur ses petites pattes, comme s’il avait fait un pari, tantôt autant de pas dans une autre direction, sans jamais avancer de plus d’une demi-verge à chaque fois ; s’arrêtant alors tout à trac avec une expression ridicule et une cabriole superflue, comme si tous les yeux de l’univers était fixé sur lui.

Car tous les gestes de l’écureuil, même dans les recoins les plus isolés de la forêt, impliquent des spectateurs au même titre que ceux d’une danseuse —, perdant ainsi davantage de temps en arrêts et en circonspection qu’il n’en aurait fallu pour parcourir la distance tout entière —,  je n’en ai jamais vu un seul marcher —, et soudain, avant que vous n’ayez eu le temps de dire ouf, il se retrouvait en haut d’un jeune pitchpin, remonté comme une pendule et tançant ses innombrables spectateurs imaginaires, monologuant tout en s’adressant à l’univers entier, pour nulle raison que je n’aie jamais pu déterminer, ni que lui-même, je suppose, connaissait.

 

Henry D. Thoreau, Walden, préface de Jim Harrison, traduction de Brice Matthieussent, Marseille, Éditions Les Mots et le reste, 2017, p. 301s.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Claude Fortin #

    Bonjour Jean,

    Ce texte d’Henry David Thoreau m’a intéressé au plus point car je les observe moi-même de plus en plus attentivement lors de mes randonnées en forêt. Les écureuils me fascinent par leurs comportements amusants. Ils me donnent l’impression de jeunes enfants qui s’amusent dans la grande cour de récréation qu’est la forêt.

    Quelle agilité lorsqu’ils se déplacent sur les branches des arbres tout en ayant l’air de jouer !

    Merci de nous le faire partager.
    Bonne journée

    7 décembre 2017
  2. Jean Provencher #

    Comme le père Thoreau, tu as bien raison, Claude.

    Chez moi, parfois je peux en avoir de quatre à six ; en ce moment, depuis près de deux mois, il n’y en a qu’un seul, un petit de l’année. Plutôt sauvage d’ailleurs, ce qui me surprend pour un petit.

    7 décembre 2017

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