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Reconnaissance de la rivière des Outaouais

Depuis un an, l’Ontario et le Québec ont désigné la rivière des Outaouais, frontière commune, comme « lieu historique ». Cela dit, il y a longtemps — 55 ans —  que le violoneux, poète, conteur, auteur de chansons passées à l’histoire, décorateur dans une autre vie, Jean-Paul Filion (1927-2010) a rendu hommage à la rivière des Outaouais.

Ou-ta-ouais

Beau nom d’eau

D’eau perlière dansante et voyageuse

Mot qui fume, mot qui rutile, mot qui bagarre sur la Place de la Mémoire

Outaouais de mon enfance bien à moi

Nom de naissance

Rouge lunure au flanc d’une présence à jamais magnifiée

Rivière Outaouais !

 

Belle galopeuse aux crinières échevelées

Chanson douce aux lucarnes des rochers

Fille de fleuve de race

Fille coiffée de bleu Témiscamingue

Gigueuse en sabots sur la sauvagerie du pays

Toi qui fis naître le rire sur la face des berges

Toi qui accouchas de mille oasis « d’aulnages » et de pissenlits

Toi la seule à polariser les astres pour embellir les fauchaisons

Outaouais la merveilleuse !

Je ne me souviens pas de toi : tu me pourchasses et me pourlèches

 

Je n’ai pas à recréer ton visage : ton haleine niche encore à ma bouche

Mes yeux débordent de tes éclaboussures de guêpes et de mouches à miel

Je goûte ta salive recueillie sur les langues de mûriers

Ta claire écume sur les tabacs sauvages

Sur les fougères et les plantains

Sur les fanions des peupliers

Outaouais la tapageuse !

Tes encoches aux jardins rupestres

Tes taillades à la terre comme à la glaise

Zigzaguent dans ma tête que la ville pourtant carambole

Ton tumulte bien plus fort que le métal qui bruit

N’a cessé de m’abriter contre l’ennui des bordigues

Contre la souille des hommes

Contre la peur du Grand Désert

Et l’absurde à ma porte

 

Outaouais qui inventas la Petite Nation comme une branche à l’écorce de ton lit

Comme une soute à l’œil où j’ai vécu à licher les mets de l’avenir

Outaouais la lumineuse !

Toi la racine de mon eau

Je publie aujourd’hui ton nom

Sans trembler sans rougir

Et j’apeure le mal qui me tranche l’épaule.

 

Jean-Paul Filion, Demain les herbes rouges, Montréal, Éditions de l’Hexagone, 1962, p. 24s.

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