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Le quotidien La Patrie réclame l’école gratuite pour tous

En 1892, le journal La Patrie dénonce le fait qu’un grand nombre d’enfants de familles modestes ne peuvent fréquenter l’école qui coûte trop cher de mille et une manières.

D’autres quotidiens lui cherchent noise. Mais pas question que le journal cède. Voici le contenu d’une partie de sa une le 2 août 1892. Le document est de grande importance. Il montre bien que, faute de scolarité, une partie importante de la population est condamnée à la pauvreté.

Quoiqu’en disent le Courrier du Canada et les autres journaux qui nous cherchent noise à propos des exemptions de taxes, des livres d’écoles, de l’enseignement gratuit et de tout ce qui a pu leur fournir l’occasion de poser en défenseurs de la religion que personne ne songe à attaquer, la PATRIE n’a pas reculé d’une semelle depuis qu’elle a abordé ces questions.

Nous avons dit que le Séminaire St-Sulpice [donc la communauté des Sulpiciens] est obligé par son acte de donation d’appliquer ses revenus à l’instruction des enfants dans l’île de Montréal, qu’il est obligé de rendre compte et qu’il ne l’a pas fait ; que l’instruction n’est pas gratuite comme elle devrait l’être ; qu’un grand nombre d’enfants sont privés d’une instruction parce que leurs parents n’ont pas les moyens de les fournir de livres ou de payer la rétribution mensuelle ; que le nombre d’écoles ne suffit pas à recueillir tous les enfants en âge de fréquenter l’école ; que de l’aveu même des commissaires de Montréal, sur vingt-cinq milles il y en a douze mille qui ne fréquentent pas l’école commune, et enfin qu’un grand nombre de ces enfants s’élèvent dans la rue parce que leurs parents ne peuvent pas payer et ne veulent pas mendier.

 Cette dernière phrase implique que quelques-uns, au moins, peuvent être admis à titre d’indigents, nos confrères n’ont aucune excuse pour nous demander de prouver ce que nous n’avons pas affirmé, savoir : qu’à notre connaissance, il se serait produit des cas d’expulsion pour cause d’indigence notoire et incurable. Ce que nous n’avons pas dit, nous le dirons peut-être un de ces jours si l’on y tient absolument, et lorsque nous l’aurons dit nous les prouverons comme nous avons prouvé toutes nos autres assertions jusqu’à présent.

Est-il vrai, oui ou non, que le Séminaire [Saint-Sulpice bien sûr] a reçu la seigneurie de Montréal en fidéi-commis, à charge pour lui d’en appliquer le revenu à l’instruction des enfants dans l’île de Montréal ?

Est-il vrai, oui ou non, que ce revenu est très considérable et qu’il n’a pas été appliqué à cette fin ?

Est-il vrai, oui ou non, que le Séminaire est obligé en vertu de la loi de rendre compte de son administration et qu’il ne l’a pas fait ?

Est-il vrai, oui ou non, que les cotisations ont augmenté constamment depuis un certain nombre d’années et qu’on vient de les augmenter encore ?

Est-il vrai, oui ou non, que la vente des livres et des fournitures d’écoles est entre les mains des instituteurs qui rendent les achats obligatoires pour les élèves, et refusent d’accepter des livres, cahiers, etc., absolument semblables à ceux dont ils imposent l’achat aux élèves, lorsque ces livres n’ont pas été achetés à l’école même ?

Est-il vrai que le frère cadet ne peut pas se servir des livres du frère ainé lorsque celui-ci a fini ses classes, et qu’il faut en acheter d’autres absolument semblables parce que l’on refuse de les accepter ?

Est-il vrai que la règle et la pratique suivies généralement consistent à menacer les élèves de les expulser si, dans un délai ordinaire très limité, ils ne se présentent pas avec la somme qu’on leur demande pour acheter les livres qu’on leur impose ?

Est-il vrai que les mêmes menaces d’expulsion se produisent ordinairement lorsqu’un élève est un peu en retard pour le paiement de sa rétribution mensuelle ?

À toutes ces questions, nous n’hésitons pas à répondre par un oui bien formel.

Tous ces cas se sont produits à notre connaissance personnelle à Montréal, à Québec et à Ottawa. Ce sont des faits de notoriété publique et ils sont bien rares ceux qui ont des enfants à faire instruire et qui ne les ont pas remarqués. […]

Nous affirmons carrément sous notre responsabilité personnelle que les abus signalés par nous existent.

Il s’agit d’une question d’intérêt public et si ces choses sont niées par les parties intéressées, celles-ci feraient bien d’ouvrir une enquête. Si elles le font, nous serons prêt à appuyer nos dires sur des témoignages assermentés. […]

Nous avons demandé et nous demandons encore l’instruction gratuite.

 

La Patrie (Montréal), 2 août 1892.

Cet article n’est pas signé, mais nul doute qu’il provient de l’écrivain et journaliste, propriétaire de ce journal, Honoré Beaugrand.

Et qu’ajouter à ces graves propos, sinon que les plus pauvres enfants dans les villes de Montréal, Québec et Ottawa sont tout à fait laissés pour compte.

La photographie de ces deux enfants « de l’élémentaire 1 à l’école Pie XII » est déposée à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Fonds ministère des communications, Documents photographiques, Reportages photographiques du Ministère, cote : E10,S44,SS1,D73-77.

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