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Comment Pierre de Coubertin voit Montréal et les Québécois en 1890

De Coubertin (1863-1937) sera bien sûr le « rénovateur des Jeux olympiques de l’ère moderne ». Étonnamment, la page Wikipédia qui lui est consacrée est très nuancée. Il publie en 1890 l’ouvrage Universités transatlantiques dans lequel on trouve sa vision de Montréal et des Québécois.

Montréal est en quelque sorte le terrain de transition où les Anglais et les Français se rencontrent sans se mêler. Les deux races ont imprimé à la ville un peu de leur cachet distinctif et en plus le voisinage des États-Unis lui a donné quelque chose de yankee, d’inachevé par conséquent et de fiévreux.

Du haut du Mont Royal, transformé maintenant en un parc splendide, nous contemplons le panorama qui s’étend à nos pieds. Sur l’immense Saint-Laurent, le fameux pont Victoria semble un fil tendu ; au-delà reprend la plaine semée de villages.

Le long du fleuve, la ville est assise ; des lignes d’arbres séparent les maisons et dessinent les avenues ; d’innombrables clochers surgissent de tous côtés, églises, couvents, séminaires, qui vont s’enrichissant toujours, et constituent l’un des dangers de l’avenir.

Cette formidable puissance financière correspond, cela va sans dire, à un despotisme moral plus grand encore. Les Canadiens-Français sont les humbles esclaves de leur clergé et de leurs congrégations, et, s’il est juste de dire que le clergé et les congrégations sont à l’abri de toute attaque en ce qui concerne les mœurs et la vénalité, il est également juste d’ajouter qu’ils dirigent la politique assez mal et qu’ils enchaînent les esprits en prétendant les guider.

Leur domination pèse lourdement sur une partie de la population que les travaux de la terre ne suffisent plus à charmer, et qui prendrait volontiers sa part du mouvement littéraire et scientifique universel. Cette issue lui est fermée et c’est alors vers l’activité commerciale et financière qu’elle se tourne.

On fait des affaires, au Canada, ou plutôt l’on rêve d’en faire, car l’on n’y parvient guère ; c’est là le débouché de l’intelligence et les Canadiens sont bel et bien des coureurs de dollars. Leur littérature est en enfance, leur presse est incolore ; mais ils savent calculer, supputer, escompter à la façon du paysan normand, dont ils ont les instincts aussi bien que l’accent.

 

La Patrie (Montréal), 15 août 1890.

La carte postale est postérieure au texte de De Coubertin.

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