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Nous voilà dans le quartier chinois à Montréal

Hier matin, un vacarme insolite attirait de nombreux passants au coin des rues Lagauchetière et Saint-Urbain, en plein Chinatown.

Du premier étage de la maison occupée par le magasin Ling-Tong s’élevait une étrange cacophonie où les sons de la marmite fêlée s’unissaient aux accords de la casserole de cuivre.

« Pour qui sont ces tam-tams qui vibrent sur nos têtes » ? se demandaient les passants ahuris. S’agissait-il d’une grève de cuisiniers chinois, d’une assemblée politique orageuse ou d’un enterrement de vie de garçon à l’orientale ? Nullement. Nos braves blanchisseurs célébraient tout simplement l’inauguration d’un temple.

Nous ignorons le poids, l’âge, les qualités et jusqu’au nom des heureuses divinités qui pendaient, hier, la crémaillère, mais nous sommes en mesure d’affirmer qu’elles sont fort turbulentes et que le chahut leur est agréable.

Le lugubre orchestre dont nous donnions tout à l’heure un pâle aperçu sévit en effet durant la plus grande partie du jour. Vers dix heures, une explosion formidable mit en émoi la paisible population de ces parages.

Les fidèles du dieu Ma-Chin venaient de mettre le feu à un tas de pétards disposé à l’angle de l’immeuble dont Ma-Chin est locataire.

Cette explosion fut suivie de cris perçants poussés en signe de joie, par les Chinois enthousiasmés. Puis, le sinistre orchestre, de nouveau, se fit entendre.

Vers les onze heures, commença la cérémonie proprement dite que les infidèles purent observer du dehors, les fenêtres du temple étant largement ouvertes. Au milieu d’une brillante assistance de Chinois en habits de fête, on procéda à la consécration des autels où furent déposés les idoles.

On alluma alors, devant la déité principale, une lampe qui ne doit s’éteindre qu’au jour du déménagement, on brûla devant elle force aromates exotiques et on lui offrit des friandises préparées spécialement pour cette occasion solennelle.

L’inauguration a été célébrée tout le jour à Chinatown et dans les « Laundries » par l’absorption de plats nationaux et la combustion d’un grand nombre de prières écrites sur des bandes de papier parfumé.

 

Le Canada (Montréal), 11 août 1904.

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