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Retour à madame Francœur

Vous vous souvenez de cette dame de Québec qui avait publié à 30 ans un premier livre de belle qualité, Prix David 1935, et à l’égard de laquelle le milieu fut bien méchant. Plus jamais désormais elle ne proposera quoi que ce soit.

En 1973 et 1974, à 30 et 31 ans, je fus moi-même haché menu par deux personnages du monde de l’écriture, deux hommes aujourd’hui disparus, et j’ai fui dans un autre univers où ils ne pourraient plus jamais me retrouver, celui de mes quatre saisons. Étant jeune, il faut être fait fort pour affronter la critique sans merci. Parlez-en à la jeune Sara Lazzaroni qui publie à 20 ans son deuxième livre, Veiller la braise, sur lequel nous reviendrons, et ne se fait pas manquer par un des quotidiens montréalais.

Revenons à madame Francœur, extrait de son seul et unique ouvrage, Aux Sources claires.

 

Sérénité

 Te souvient-il encore, ô ma chère compagne,

De ces soirs de juillet dont la molle clarté,

Défiant la splendeur du somptueux été,

S’étendait longuement sur la chaude campagne ?

 

Les reflets du couchant lentement se fanaient

Dans la coupe du lac. Et ses mourantes teintes,

Tel un bouquet défait de pâles hyacinthes,

Une à une, au linceul de l’eau s’abandonnaient.

 

C’était l’heure où, quittant la maison toujours pleine,

Ruche, sans nul repos, — de murmures humains,

À pas lents, toutes deux, nous prenions les chemins

D’ombre et de solitude allongés sur la plaine.

 

L’orgueilleuse rumeur du jour laborieux

En un ruissellement de paix s’était dissoute.

Le silence léger s’infiltrait goutte à goutte

Dans les veines du monde, ardent et soucieux.

 

Graves, nous nous taisions. Et nos sourdes pensées,

Plus que nos pas égaux dans le même sentier,

Nous rapprochaient. Le temps, ainsi qu’un long collier,

Glissait rapidement entre nos mains pressées.

 

Dans l’ombre fauve, autour de nous, plus un seul bruit.

Plus rien, rien que nous deux, l’esprit fier, l’âme immense,

Et les sens libérés par ce double silence

Où nous errions sans but jusqu’au seuil de la nuit.

 

Nous sentions notre cœur grandir avec l’espace

Et battre à l’unisson du rythme universel.

Et pour ne point troubler cet instant solennel,

Nous revenions alors en parlant à voix basse.

 

Jacqueline Francœur, Aux sources claires, Montréal, Éditions Albert Lévesque, 1935, p. 35-37.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Simon Remillard #

    Bonjour. J’aimerais me procurer ce livre « Aux sources claires » de Jacqueline Francoeur. Savez-vous il est disponible ? Merci.

    15 mai 2020
  2. Jean Provencher #

    Bonjour, monsieur Rémillard,

    Vous n’avez qu’une solution, vous en remettre aux bouquinistes, aux vendeurs de livre usagé. Ou, qui sait, à l’internet, genre AbeBooks.

    Bonne chance.

    15 mai 2020

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