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Il faudrait revenir à l’écrivain français Jean Giono (1895-1970)

La montagne vue de l’île d’Orléans

Son œuvre est diverse et j’aime bien celle qui a pour cadre le monde paysan provençal.

Extrait de Rondeur des jours, son propos sur la marche.

Ils me font rigoler quand ils disent que je suis un poète. Triste défaite des corps qui ont perdu le goût de vivre parce qu’ils ont perdu la façon. C’est vrai que c’est presque toujours péjoratif, mais ils en seraient eux-mêmes des poètes, c’est-à-dire de vrais hommes, s’ils avaient encore la vieille façon amoureuse, la naturelle façon amoureuse de faire la connaissance des choses.

Je vais à pied. Du temps que je fais un pas la sève monte de trois pouces dans le tronc du chêne ; la saxifrage du matin s’est relevée de deux lignes ; le buis a changé mille fois le scintillement de toutes ses feuilles ; l’alouette m’a vu et a eu le temps de se demander qu’est-ce que je suis, puis qui je suis : le vent m’a dépassé, est revenu autour de moi, est reparti. Du temps que je fais l’autre pas, la sève continue à monter et la saxifrage à se relever, et le buis à frémir, et l’alouette sait qui je suis, et se le répète à tue-tête dans le cisaillement métallique de son bec dur ; et, ainsi, de pas en pas, pendant que la vie est la vie et que le pays est un vrai pays, et que la route ne va pas à quelque endroit mais est quelque chose.

 

Jean Giono, Rondeur des choses, Paris, Éditions Gallimard, Folio, 1973, p. 178.

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