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En 1883, dans un long papier, un médecin âgé revient sur les sucres du temps de sa jeunesse

La nostalgie l’assaille. Il a bonne mémoire, tout lui revient. Il prévient : « Je vais parler le langage de mon pays ». Extraits.

Je parle de quarante ans, temps où je roulais le gai printemps de mon âge fleuri. Mon père était cultivateur et ne savait même pas lire. Il voulait faire de moi un habitant; mais je voulais faire mes études et devenir médecin, si possible. […]

Quoiqu’il en soit, lorsque j’étais tout petit, je faisais du sucre au mois d’avril. C’était un mois magnifique pour tout le monde à la campagne. Les uns faisaient du sucre, et les autres le mangeaient.

Mon père avait une sucrerie composée de sept cents érables et de trois cents plaines.

La famille l’exploitait de son mieux, car il fallait compter tous les revenus du fonds pour vivre. […]

C’était le beau temps. L’eau avait beau nous tremper jusqu’aux os, le rhume refusait de nous assaillir. La santé, ce trésor de la vie, était notre partage.

Ce temps n’est plus. Mais qu’il a laissé de souvenirs dans mon cœur.

Le soir, près de l’âtre pétillant, j’atisonnais mon feu ; mes chaudrons fesaient entendre un doux murmure, tandis que les flammes réjouissaient l’air.

Quelquefois la lune d’avril venait éclairer cette scène de ses rayons argentés, en commençant par vouloir nous épier au-dessus des grands arbres.

Le ruisseau qui passait près de la cabane alimentait un moulin à scie que j’ai souvent fait marcher. Il n’y avait de l’eau qu’au printemps. Mais alors quel spectacle ! Des ondes en furie, le bruit de la chaussée, le grincement de la scie, les mouvements des roues se mêlant au bruissement de la forêt, aux chants des oiseaux du printemps, revêtaient ce concert d’un charme ineffable, et que je n’oublierai jamais.

 A. Beaulieu.

 

La Gazette de Joliette, 10 avril 1883.

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